Le 01 Juillet 2016

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— Parce que tu la connais bien Vincent. Et puis, tu n'es pas obligé de lui parler. Tu peux te contenter de l'écouter et d'observer son comportement. »

Il ne m'a pas laissé le temps de contester, il nous a rapidement tourné le dos. Kube a accepté d'un simple haussement d'épaule. Il m'a donné un peu de son courage d'une tape amical. La roulotte de Sarah se situait à trois pas de là. Kube frappa à sa porte.

« Foutez l'camp ! Y'a personne ! »

Très drôle Sarah. La situation exigeait un peu plus de sérieux. Kube est intervenu aussitôt. Elle m'énervait déjà.

« Ecoute Sarah, c'est important. Il faut qu'on te parle.

— Qui ça, on ?

— Vincent et moi.

— Je suis virée ?

— Euh, non. Non, non, pas du tout. »

Elle nous a laissé attendre quelques longues secondes avant de lever son verrou. Elle ne portait presque pas de vêtements, on apercevait les plaies encore rouges de son ventre. Des poches noires plombaient ses yeux, elle peinait à les garder ouverts. Ses cheveux, gras, étaient rangés en bataille. Elle se balançait de gauche à droite malgré le soutien de l'encadrement de la porte. Une cigarette scellait ses lèvres. Elle recracha la fumée sur nos visages.

« Je vous préviens les mecs, j'ai toujours pas envie de baiser.

— On n'est pas venu pour ça Sarah. On peut entrer ?

— Ah. Ouais. Ouais, entrez. »

Elle s'effondra sur une chaise en plastique jaunie au milieu d'un joyeux bordel. Kube et moi entretenions mieux notre roulotte et pourtant, personne n'osait y venir. Elle attrapa un verre à moitié rempli d'alcool fort et le vida d'un trait. Elle nous invita d'un geste maladroit à nous asseoir sur le petit banc en face d'elle. Mon collègue en prenait presque toute la largeur.

« Il fait trop chaud, je me désaltère ! », dit-elle en se servant de nouveau.

Puis, elle retira sous nos yeux le peu de tissu qui la recouvrait encore, elle m'envoya sa culotte à la figure. Nos yeux se vissèrent au sol.

« J'ai chaud, j'ai dit. Pourquoi vous baissez les yeux les mecs ? »

Mon regard croisa furtivement celui de Kube avant de retourner directement à mes chaussures. Kube commenta :

« C'est plus que gênant Sarah.

— Ca ne gêne que vous. Moi, j'suis à l'aise !

— Tu veux pas enfiler un truc quand même ? Juste le temps qu'on...

— Non, coupa-t-elle. Qu'est-ce que vous me voulez ?

— Caroline est morte.

— Je m'en fous, je la connaissais pas vraiment.

— C'est un meurtre, Sarah.

— C'est chiant les meurtres, je préfère les suicides.

— Sarah...

— Ok ok ! Qu'est-ce que j'ai à voir avec ça ?

— On aimerait savoir ce que tu as fait depuis ce matin. »

Elle prit le temps d'avaler sa liqueur avant de nous répondre.

« Alors depuis ce matin... J'ai bu. J'ai fumé. Ah et oui ! Je m'suis caressé la touffe ! 'Tendez que je vous montre. »

Je devinais ses gestes.

« Alors Vincent, tu ne dis rien ? » demanda-t-elle d'une voix lascive. « Regarde-moi quand j'te parle ! »

Les cuisses écartées, une jambe reposait sur un accoudoir, elle me fixait de ses yeux vitreux en se masturbant. Les stigmates des morsures subies durant sa captivité parsemaient son intimité. Elle avait des marques rondes, rouges et noires partout sur le corps, même sur ses seins qui pointaient vers le ciel.

Elle tira longuement sur sa cigarette et écrasa le mégot sur sa poitrine. Ses yeux se révulsèrent. Elle jeta sa tête en arrière et envoya sa fumée au plafond dans un soupire troublant, à mi-chemin entre le plaisir et la douleur. Elle se leva et fit un pas hésitant vers moi.

Comme je baissais de nouveau le regard, elle releva mon menton du bout des doigts, elle imprimait un sourire cruel. Elle adopta sa voix la plus suave quoique brisée par ses récents abus :

« Alors ? Laquelle de nous deux te fais le plus bander ? Kat ou moi ?

— Ecoute Sarah, on ne peut pas cont... »

Elle m'a vomi dessus avant la fin de ma phrase !

Elle éclata de rire et se vautra lamentablement par terre en manquant sa chaise. Je suis sorti immédiatement, furieux, Kube m'emboîta le pas.

« Elle est complètement arrachée.

— Merci Kube ! J'ai remarqué ! Elle m'a gerbé dessus la connasse ! Regarde ça, elle m'en a foutu partout...

— J'en toucherai un mot au toubib, elle peut pas rester comme ça. En tout cas, elle n'aurait pas pu aller bien loin dans cet état... »

Sarah s'est ensuite enfermée à double-tour. Nous nous sommes éloignés de son écho dément pour présenter notre rapport à Bob. Il s'est inquiété de la santé de la petite avant de poursuivre son entretien avec Lili. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas accuser l'une ou l'autre. L'enquête se poursuit.


Survivance: journal de VincentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant