Le 18 Septembre 2015

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Survivance

« Définition : état d'un chose ou d'une personne qui demeure sans raison valable. »

Le 18 Septembre 2015

Je m'appelle Vincent Hassermann et ceci est mon journal. Peut-être qu'un jour quelqu'un pourra le lire et connaître mon histoire.

Ce matin, j'ai senti la mort, ou plutôt je l'ai entendu, elle sifflait. Elle sifflait comme un balle près de mon oreille. D'ailleurs ce soir, j'en ai encore des bourdonnements. J'ai beau me frotter l'oreille aussi fort que je peux, ça ne part pas. La balle a fini sa course dans le cœur de Christophe, qui était juste derrière moi. Nous étions en patrouille autour du village quand nous sommes tombés, par hasard, sur des bandits qui se disputaient. Ils étaient trop nombreux pour intervenir alors nous les espionnions, tenter de découvrir pourquoi ils traînaient si près de chez nous. Je n'ai pas découvert grand chose, ils ont très vite sorti leurs armes pour régler leur désaccord. Christophe est mort et j'ai du le ramener au village.

Je m'entendais plutôt bien avec lui, nous avons... avions le même âge, 25 ans. Nous étions tous les deux des vigies et la protection du village nous tenait particulièrement à cœur. Enfin, pour sa part, protéger les autres était dans sa nature. Dans le monde d'avant, il aurait était pompier ou policier Pour moi, c'est l'opportunité de laisser chanter ma carabine, histoire de joindre l'utile à l'agréable.

Je reviens de ses funérailles et voilà mon binôme parti en fumée. Et là, je me suis demandé ce qui restait de lui. Un tas de cendres, balayé par le vent, comme un tas d'autres avant lui. Un tas d'autres depuis 15 ans, depuis l'an 2000 qui a tant changé nos vies. Ce matin, ça aurait pu être moi, à quelques centimètres près. Et qu'est-ce qu'il aurait resté de moi ? Un tas de cendres éparpillé par le vent. J'y ai pensé toute la journée. Et si un jour le monde guéri, que la civilisation reprend le dessus, qu'est ce qu'il restera de moi l'enfer dans lequel nous sommes ? Rien.

Je ne peux pas me résoudre à disparaître un jour sans laisser de trace. Je ne peux pas, alors j'ai décidé de prendre ce journal, un crayon et d'y écrire mes pensées. J'ai décidé de vous livrer mon témoignage. Je ne sais pas qui vous êtes, ni quand vous trouverez ces pages. Très certainement après ma mort ou, peut-être bien que je vais perdre ce journal. Vous. Vous êtes distant. Je vais dire tu. Plus facile, et puis, c'est mon journal alors je fais a peu près ce que je veux. Donc, tu lis mes pages. Soit tu vis à la même époque que moi, peut-être que tu m'espionnes d'ailleurs, soit tu es dans un futur lointain. Lointain de cette époque de merde.

Tu ne sais peut-être pas ce qu'il s'est passé, ou alors tu en as vaguement entendu parlé. En gros, il y a 15 ans, un putain de gros volcan a pété aux USA. Le Yellowstone. En plus d'avoir pratiquement rayé les américains de la planète, ce volcan a fait baisser la température sur toute la surface du globe. Alors, c'est clair, ça caille un peu plus mais surtout, les cultures en ont pris un coup. Surtout en Asie, la Chine particulièrement. Après est venu la famine. Et la fin. La fin du monde civilisé. Des conflits, des exodes. La faim, le froid, la mort. J'avais 10 ans, et autant dire que ça laisse un goût de chiotte dans la bouche d'un gosse qui regarde tout ça à la télé. La télé, plus en service depuis longtemps et d'ailleurs je ne sais pas même si tu sais ce que c'est.

J'avais 12 ans quand les bombes atomiques ont pété et que tout s'est effondré. Avec ma mère, on a trouvé refuge dans ce village du Nord Est de la France, rebaptisé Espoir pour l'occasion. Un nom à la con. Déjà parce qu'il doit y avoir un tas de village qui s'appellent comme ça, et puis surtout parce que de l'espoir, il n'y en a plus. Le village nous apporte du réconfort et un peu de sécurité, tout au plus. Mais quand tout s'effondre, ben les esprits les plus pervers s'en retrouvent débridés. Les bandits qui pillent et qui violent, il y en a de plus en plus. Pas faute d'en avoir dessoudé quelques uns avec ma carabine, mais je crois qu'il y a plus de ces bâtards que de munitions dans le monde.

Ah, et si tu n'es pas de mon époque, tu ne dois pas savoir non plus ce qu'est une goule. Parce que ces saloperies pullulent et nous pourrissent la vie... comme si elle ne l'était déjà pas assez. Alors pour résumer, les goules, c'est nous. Nous contaminés par une maladie sortie de nulle part et qui nous réduit à nos plus bas instincts : tuer, manger, baiser. Parait que c'est une maladie qui attaque le cerveau. On croirait des zombies à s'y m'éprendre, mais on peut facilement les tuer. Je veux dire, elles ne sortent pas de terre et elle ne reviennent pas d'outre tombe, comme dans les jeux auxquels je jouait étant gosse. Ce sont juste des gens devenus fous. Tellement tarés qu'ils s'arrachent les paupières et les lèvres.

Leur visage n'a plus grand chose d'humain, et c'est plus facile de les tuer. Plus facile de tuer des monstres, non ? Quoique je n'ai jamais eu de regrets d'avoir trouer le crânes de quelques pillards. Mais, pour les autres habitants du village, ça fait toute la différence. Les goules sont rapides, cruelles et chassent en groupe et parfois en horde. Heureusement, elles sont stupides et tant que nous sommes capables de les maintenir à distance, on est à peu près en sécurité.

C'est pour ça d'ailleurs, qu'on brûle nos morts, tu comprends, l'odeur de la charogne les attire. Et on a pas besoin de ça. Bon, voilà, j'espère avoir expliqué un peu dans quel merdier on est.

Pour revenir à ce matin, j'ai proposé aux anciens du village de préparer une petite expédition vengeresse. Je ne l'ai pas dit comme ça. Plutôt jouer la prévention, c'est quand même pas normal qu'il y est autant de bandits dans le coin et ils doivent préparer un mauvais coup. Et il vaut mieux prévenir que guérir. Les anciens ne m'ont pas répondu, ils doivent se réunir à nouveau pour se décider mais je ne les sens pas très chaud pour une petite expédition punitive. Ce sont de vieux croûtons trop faibles pour travailler dans les champs, et trop vieux pour patrouiller, alors le seul truc qu'ils savent faire, c'est prendre les décisions du village. La sagesse des vieux, soit disant. Mon cul. Ils sont justes inutiles et ils se protègent les fesses comme ils peuvent. Cependant, le village est toujours derrière leurs décisions. Je vais devoir préparer un petit discours pour les convaincre.

Christophe ne va pas me manquer particulièrement, t'imagines bien que c'est pas le premier a se faire descendre, mais c'est l'occasion de faire chanter la poudre, et moi, ça me fait bander.

Survivance: journal de VincentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant