15- "La vengeance est très surcotée." 1/3

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« Améthyste n'est pas d'accord avec moi, mais la vengeance est très surcotée.
Avoir des réponses à ses questions, c'est bien aussi. »

Razilda de Grisval, le pardon incarné.

 

Si Yerón pensait que ses amis argumenteraient sans fin contre son intuition, il se trompait lourdement. Ils n'eurent besoin que de vingt minutes pour réunir leurs compagnons éparpillés et trente secondes de plus pour convaincre Maître Ornwell de les emmener dans son aéronef. Ils partirent une heure plus tard, le temps de rassembler des provisions, un minimum de matériel et de donner des consignes aux nouveaux meneurs de la Résistance, Wolfang, Orage et Garrett.

En recoupant les informations fournies par les habitants du château et les gardes prisonniers, ils avaient déduit que le prince avait quitté Riven il y a dix-sept jours avec une escorte d'une dizaine d'hommes. Autant dire qu'à l'heure actuelle, il ne devait plus être loin du plateau d'Anserün.

– On doit se dépêcher, avait répété Eliz fiévreusement pendant tout le chargement de l'appareil. On doit lui mettre la main dessus à tout prix.

Maître Ornwell lui avait assuré qu'il leur faudrait moins de deux jours pour couvrir la distance qui les séparait du plateau. Comme cela n'avait pas suffi à la calmer, Razilda, exaspérée, l'avait envoyée dormir.

La Jultèque ne tarda pas à s'y envoyer également, suivie de près par ses autres compagnons épuisés. Chacun se dirigea sans y penser vers la cabine qu'il avait occupé pendant leur traversée de la Mer Intérieure. Lyssa et Jabril, qui avaient mieux supporté la captivité que Maître Ornwell et s'étaient même offert le luxe d'avoir dormi cette nuit-là, avaient tout naturellement pris la barre une fois l'itinéraire déterminé.

L'aéronef filait donc vers le nord, survolant la campagne rivenz avec sa cargaison de héros endormis. Derrière eux, la ville de Riven comprenait peu à peu que le palais royal n'était plus aux mains des Sulnites et qu'il ne restait que des garnisons isolées à maîtriser. Les Rivenz avaient beau avoir accepté la défaite, il ne leur en fallait pas beaucoup pour reprendre espoir et sauter sur les armes.

Malgré ses inquiétudes quant à la situation en ville et ses interrogations sur l'issue de la bataille menée par Hermeline et Johann, Eliz dormit. Elle dormit même profondément, d'un sommeil lourd et sans rêve.

Lorsqu'elle se réveilla, elle se sentait bien mieux, si elle faisait abstraction de la douleur lancinante qui taraudait sa cuisse et son bras. Elle se leva prudemment, tâchant de ne pas trop faire porter son poids sur sa jambe blessée. Dans la pénombre de la cabine, elle tâtonna autour d'elle pour retrouver ses affaires. Elle boucla sa ceinture et aussitôt Griffe la noya sous un déluge de paroles.

– Comment tu te sens maintenant ? Et ta jambe ? Je me suis vraiment inquiétée pour toi. Tu as beaucoup trop forcé cette nuit !

Eliz sourit et tapota son pommeau avec affection.

– Merci, ça va mieux. J'avais surtout besoin de dormir.

– Tant mieux ! reprit Griffe, sa sollicitude se muant soudain en enthousiasme. Parce que nos exploits de cette nuit ont été extraordinaires ! Ils resteront gravés à jamais dans ma mémoire, et dans celle de tous les Rivenz ! Tu as été absolument héroïque.

Eliz se frotta l'arête du nez avec embarras.

– Sans toi, rien n'aurait été possible, tu sais. Mais je te remercie de me le rappeler, parce qu'aujourd'hui, je suis loin de me trouver héroïque.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now