1- "Ça m'a fait du bien de taper sur un truc aussi gros." 1/3

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« Quel beau combat ! Y avait longtemps que je n'avais pas
tapé sur un truc aussi gros. Ça m'a fait du bien. »
Griffe Écarlate, taillée pour la baston.


Ils avaient à nouveau traversé les montagnes, dans le froid et la neige, puis les collines des Dômes, avec un peu moins de froid et beaucoup moins de neige. Grâce au jeune Shalim, Eliz savait où les Sulnites stationnaient, et put aisément éviter les quelques garnisons qu'ils auraient dû croiser.

Depuis leur départ de la Bibliothèque, Eliz s'interrogeait sur l'effet que leurs découvertes pouvaient avoir sur le moral de ses troupes. Aussi veillait-elle sur ses amis comme une mère louve. Pour elle-même, rien n'avait changé. La sécurité d'Hermeline était toujours sa priorité. Elle escomptait que les deux décades écoulées depuis l'attaque de la carrière avaient suffisamment brouillé les pistes pour que les Sulnites fussent moins en alerte. Elle souhaitait désormais rejoindre la ville de Laudengen au plus vite pour y retrouver le contact que lui avait mentionné Johann. Contact qui, elle l'espérait, pourrait lui indiquer l'état de la Résistance, et éventuellement, son nouveau quartier général.

Mais qu'en était-il de ses compagnons ? Le comportement de Razilda était resté le même. C'en était rassurant, pourtant, Eliz savait que vouloir percer les pensées de la Jultèque était vain. Quant à Saï, elle était fidèle à elle-même, toujours joviale et enjouée, peut-être même davantage. De temps à autre, son regard s'élevait vers le ciel et elle souriait dans le vague. À l'inverse, Hermeline s'était assombrie et son visage revêtait en permanence un masque grave. C'était comme si le poids de Soleil Triomphant qu'elle portait désormais à son côté, lui rappelait plus cruellement encore la charge de ses responsabilités. La Bibliothèque n'avait été qu'un interlude, il fallait maintenant revenir à la réalité.

C'était donc tout naturellement que Yerón était le principal sujet de préoccupation d'Eliz. Le jeune homme était souvent perdu dans ses pensées, plus souvent qu'à son habitude. Combien de temps encore trouverait-il son compte en restant parmi eux ? La Rivenz n'envisageait son éventuel départ qu'avec une extrême répugnance. Il leur avait tellement apporté...

L'évolution de Kaolan avait suivi un tout autre chemin. Il parlait désormais plus volontiers avec ses compagnons et s'isolait moins systématiquement. À la surprise générale, il avait même commencé à apprendre à Saï le maniement de l'arc et tous deux s'y adonnaient avec zèle soir et matin, sitôt que les tâches du bivouac leur laissaient un moment de libre. L'homme-félin lui avait en outre abandonné l'arc de secours qu'il avait emporté en quittant la carrière.

Bien que perdue dans ses pensées, Eliz constata à la lueur déclinante du jour qu'il allait bientôt être temps de s'arrêter pour la nuit. Ils avaient traversé le Reikstrom dans l'après-midi. Les Sulnites n'ayant pas pu maintenir le même niveau d'alerte aussi longtemps, les ponts et les gués n'étaient plus systématiquement sous surveillance et la tâche s'était avérée bien plus facile qu'à l'aller.

Durant la pause qu'ils avaient faite avant la traversée, Hermeline avait pris conscience que le risque de croiser des voyageurs sur la route était de plus en plus élevé et qu'elle transportait avec elle un objet qui pouvait la trahir auprès de n'importe qui avec un tant soit peu de jugeote. Son premier geste en tant que presque reine avait donc été de camoufler le fourreau chargé de pierres précieuses qui lui battait le côté. Elle avait rassemblé toutes les bandes de tissus prises sur des vêtements déchirés que ses amis avaient bien voulu lui fournir. Puis elle avait entrepris d'en envelopper soigneusement l'étui de Soleil Triomphant. L'épée n'avait pas du tout apprécié la manœuvre.

Poussières de TerresDonde viven las historias. Descúbrelo ahora