11- "Un petit échauffement." 2/2

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Eliz et Garrett faisaient avancer l'embarcation à lents coups de rames, mais ils devaient lutter contre le courant du fleuve qui voulait les entraîner au large. Sur leur droite, la forêt de mâts des imposants vaisseaux sulnites oscillait au gré des remous.

Après un bref conciliabule de ses occupants, la barque obliqua sur bâbord pour suivre l'extrémité du port et tenter de s'arracher à l'emprise du Reikstrom. Les lanternes avaient été obscurcies. À la faible lueur qui émanait des rues de la ville, encore loin devant, Kaolan et Razilda essayaient vainement de repérer les sentinelles en poste. En revanche, tous reconnurent bientôt la silhouette familière de l'aéronef de Maître Ornwell, amarré sur les quais entre deux entrepôts.

Ils croisèrent les premières jetées de pierre sur lesquelles s'empilaient des caisses à l'abandon, puis ils durent se faufiler entre les hautes coques des bateaux. Yerón laissa le brouillard s'effilocher petit à petit autour d'eux. À mesure qu'ils s'approchaient du bord, ce genre de camouflage risquait davantage de les trahir que de les masquer. La barque se glissa silencieusement le long d'un ponton sommaire.

Les passagers s'étaient penchés sur leur banc, espérant dissimuler leur présence. Le martèlement d'une vingtaine de bottes brisa soudain la berceuse tranquille du port endormi. Eliz agrippa l'un des piliers du ponton pour immobiliser la barque tandis que ses compagnons s'aplatissaient au fond. Pressé entre les planches rugueuses de l'embarcation et la forme anguleuse de Razilda, Yerón entendait les respirations précipitées de ses amis qui emplissaient tout l'espace. À tel point qu'il lui sembla impossible que la patrouille ne fût pas alertée. Pourtant, les soldats s'éloignèrent de leur pas régulier.

Ils laissèrent de longues minutes s'écouler avant de se remettre en mouvement. Finalement, la proue heurta le quai avec un léger choc. L'embarcation tangua alors qu'ils sortirent les uns après les autres par l'escalier glissant qui s'enfonçait dans l'eau. En tête du groupe, Eliz balaya le port d'un regard scrutateur. La voie était libre. Elle fit signe à ses compagnons de la suivre et traversa les quais en courant jusqu'à la première rangée de hangars. Elle se faufila dans une ruelle malodorante qui séparait deux bâtiments et ses amis s'y enfilèrent à sa suite.

– L'aéronef est juste un peu plus loin, murmura Eliz. Nous devons vérifier s'il est gardé.

– J'y vais, annonça Kaolan.

Sans attendre, il se lança à l'assaut de la façade de l'entrepôt et grimpa jusqu'au toit avec une facilité déconcertante. Puis il disparut à la vue de ses compagnons.

– Je me demande où est Saï, s'inquiéta Yerón.

– Elle connaît notre objectif, elle doit s'être trouvé un point d'observation depuis les hauteurs, supposa Eliz. Elle nous rejoindra quand on aura besoin d'elle,

Razilda sourit dans la pénombre. Que la guerrière ne s'angoissât pas plus que ça, témoignait à quel point elle avait changé. Présumer que l'absence de Saï signifiait qu'elle était prudente et en sécurité lui aurait été impossible il y a quelques mois de ça. Il fallait avouer que la jeune fille se montrait également plus responsable. Ils avaient tous évolué au contact les uns des autres, elle la première.

Selon son habitude, Kaolan atterrit en silence parmi eux, sa mission accomplie.

– Cinq gardes sont autour du vaisseau, annonça-t-il. Ils s'ennuient ferme. Nous devons être prudents, le circuit de la patrouille passe devant eux.

Eliz hocha la tête.

– Attendons le prochain passage, dit-elle.

Tant bien que mal, les six infiltrés prirent leurs aises dans la ruelle.

Poussières de TerresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant