6- "L'aventure me fait plus trop envie." 2/3

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Ça aurait pu être une belle journée, si je n'étais pas enchaînée, pensa Saï avec amertume, levant le nez en l'air à la recherche de la silhouette rassurante de Tempête. Mais dans le ciel bleu, nulle trace de lui n'était visible entre les gros nuages blancs. Ils étaient seuls. Personne ne savait où ils étaient et où les Sulnites les emmenaient. La jeune fille s'abîmait peu à peu dans un désespoir sans fond, les yeux dans le vague, perdus à l'horizon. En l'absence de destination connue, la route qui s'étendait devant eux aurait aussi bien pu s'étirer à l'infini. La plaine aux alentours défilait avec monotonie, seulement brisée par un taillis exubérant à quelques pas de là, que la route traversait. Il lui semblait que le martèlement régulier des bottes des soldats retentissait directement sous son crâne, implacable et lancinant.

Avec précaution, Saï releva doucement ses bras, tentant de soulager le poids des chaînes sans blesser davantage ses poignets. Et ce qu'elle vit lui sembla sortir tout droit de son imagination. Une fissure apparut dans le cercle de métal qui emprisonnait ses poignets, et le fendit soudain de part en part. Le cœur de la jeune fille rata quelques battements. Yerón ! Il devait être là, caché quelque part, avec Eliz et Razilda ! Elle n'eut besoin que d'un rapide coup d'œil circulaire pour réaliser que le seul endroit où il était possible de se dissimuler était le taillis de chênes qu'ils allaient traverser.

Une deuxième fissure apparut, semblant peiner à tracer son chemin avant de fendre à son tour la menotte en deux. Elle aurait pu libérer son bras gauche dès à présent. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, elle devait gagner du temps pour permettre à Yerón de briser tous les fers. Elle entoura ses poignets des maillons de la chaîne pour dissimuler les menottes ouvertes et elle fit mine de trébucher.

– Par Ti, relève-toi ! jura le soldat devant elle en tirant sur sa chaîne.

Ce qui eut pour effet de jeter la jeune fille à plat ventre.

Le Sulnite tira de nouveau alors que l'escouade ralentissait autour d'eux.

– Allez ! Vite ! gronda-t-il.

– Oui, oui, pardon, gémit Saï et elle s'accrocha à la chaîne pour se redresser, chancelante et les mains écorchées.

– Faites attention, voyons ! Vous voyez bien que ce n'est qu'une enfant ! s'emporta Wolfang en tirant sur ses chaînes en signe de protestation.

– Mais ce n'est pas ton cas ! intervint un des soldats à côté de lui, alors avance !

Et il ponctua sa phrase d'un violent coup du manche de sa lance dans le dos du bûcheron qui tituba à son tour.

Hermeline ne réagit pas à la scène. Elle semblait soudain prodigieusement intéressée par la chaîne autour de ses poignets. Elle releva la tête vers Saï et capta son regard. La jeune Derujin esquissa un bref sourire accompagné de ce qu'elle espérait être un coup d'œil éloquent vers les arbres du taillis dans lequel ils s'apprêtaient à pénétrer.

A peine furent-ils tous, soldats et prisonniers, sous le couvert des arbres, qu'une flèche fusa et vint transpercer la gorge d'un des cavaliers en tête. Le Sulnite s'écroula.

– Nous sommes attaqués ! hurla le second cavalier, et les hommes levèrent leur bouclier.

La deuxième flèche lui perça la cuisse. Au même instant, Tempête fondit sur lui, labourant son visage de ses serres. L'homme dut se laisser tomber à terre pour se soustraire à la furie du griffon.

Wolfang n'attendit pas d'autre signal, saisissant son côté de la chaîne, il la tira avec violence, l'arrachant des mains du garde devant lui. À sa grande surprise, le mouvement brutal fit tomber à terre les menottes fendues qui lui serraient les poignets. Mettant cela sur le compte de la mauvaise qualité du matériel sulnite, Wolfang ne se laissa pas distraire. Il fit tournoyer la chaîne en rugissant, frappant violemment au visage les soldats les plus proches de lui.

Poussières de TerresHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin