4- "Je ne ferai aucun commentaire sur cette journée." 3/3

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Il ne fallut à Razilda que quelques secondes de tâtonnement pour trouver une bougie et de quoi l'allumer.

Bien, par où commencer ? A la faible lueur de la chandelle, elle entreprit de passer ses mains sur le bureau. Les objets inanimés n'émettaient pas autant de sensations que les êtres humains mais s'ils étaient restés suffisamment longtemps en contact avec leur propriétaire, ils s'imprégnaient de leurs sentiments et de diverses sensations. Razilda s'attarda sur les plumes et l'encrier, les objets les plus souvent manipulés. Puis elle passa sur les gobelets et la bouteille d'alcool qu'elle trouva sur les étagères derrière elle. Les objets personnels de Jéromus ne transpiraient que la satisfaction et la confiance en lui.

De toute évidence, cet homme était persuadé qu'il agissait au mieux. Razilda reporta son attention sur les documents qui occupaient le bureau et ses tiroirs. Elle les parcourut rapidement mais comprit vite qu'ils ne concernaient que ses activités marchandes. La Jultèque commença à s'impatienter. Ce salaud n'allait quand même pas lui faire croire qu'il n'avait rien à se reprocher !

Laissant le bureau, elle parcourut la pièce du regard. Un bibelot attira son attention. Il s'agissait d'une grosse tour de bronze servant de presse-livre sur une étagère. Or, la tour crénelée était le blason de la famille impériale jultèque depuis des siècles. Razilda en toucha la surface froide du bout des doigts et fut déstabilisée par l'intensité de la loyauté et de la dévotion qu'elle y perçut.

Elle fronça les sourcils, cela ne lui convenait pas du tout. Se pouvait-il qu'elle se soit trompée dans ses déductions ? Si Grandié n'était pas un traître, qui aurait pu employer des assassins pour la supprimer ? Razilda prit le presse-livre entre ses mains pour tenter de comprendre pourquoi ce bibelot était autant imprégné des émotions de son propriétaire. Elle le trouva un peu trop léger. Elle le retourna avec curiosité et découvrit que sa base était fermée par ce qui ressemblait à un couvercle. Ah ! Voilà qui était enfin prometteur ! Elle fit pivoter la rondelle métallique et la retira avec soins. Dans la cavité à l'intérieur de la tour, elle découvrit un paquet de feuilles roulées serrées.

Elle le sortit délicatement et le déroula sur le bureau. Au premier coup d'œil, elle comprit ce dont il s'agissait et son cœur cogna plus fort dans sa poitrine. Des ordres de mission reçus de Jultéca par pigeons voyageurs. Razilda les regarda avec incompréhension, que faisaient-ils là ? Pourquoi ne pas les avoir détruits ? Aussi bien cachés soient-il, cela constituait une faute grave. Razilda n'hésita qu'un infime instant avant de commencer à les feuilleter. Et soudain, ce qu'elle ne voulait pas trouver apparut sous ses yeux. C'était un message très court, frappé du sceau impérial, comme tous les autres.

RdG n'est plus fiable. Débarrassez-vous en dès que possible. Récupérez maximum d'informations avant.

Les lettres dansaient devant ses yeux alors qu'elle lisait et relisait le message. Mais le sens restait le même, sans aucune confusion possible. L'empereur avait décidé de la sacrifier. Son propre père. Pourquoi avoir décidé qu'elle n'était plus digne de confiance ? Cela n'avait aucun sens. Que pouvait-il en savoir ? Elle n'avait pas eu le temps de faire un seul rapport.

Ses mains se mirent à trembler et elle se sentit nauséeuse. La douleur qu'elle avait réussi à circonscrire à une petite partie de son cerveau, menaça brutalement de la submerger. L'idée de dévaster rageusement le bureau et de se pelotonner dans ses ruines en sanglotant, lui traversa brièvement l'esprit, tentante. Pourtant, elle y résista. Son regard fixe se durcit.

À gestes précis, elle enroula de nouveau les messages et les remit dans la tour qu'elle reposa à sa place sur l'étagère. Puis elle ouvrit les tiroirs et les portes de placards, jeta par terre quelques livres et organisa un savant désordre. Elle s'empara de tous les objets qui semblaient avoir un peu de valeur ainsi que les quelques pièces qui traînaient. Cette pagaille devrait suffire à donner l'illusion que l'intrus qui avait fracassé la fenêtre n'était qu'un simple voleur. Et si ça ne fonctionnait pas, elle n'en avait, honnêtement, plus grand chose à faire.

Poussières de TerresDove le storie prendono vita. Scoprilo ora