8- "S'ils croyaient m'impressionner..." 2/3

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Une fois les formalités administratives pour sa demande d'audience accomplie, Eliz ne prit pas le temps de flâner dans les rues animées de Jultéca avant de retourner à l'auberge. Elle s'en serait défendue, mais elle se sentait responsable de ses compagnons et était mal à l'aise de les savoir seuls.

Sitôt qu'elle entra dans la cour, elle reçut dans les bras une Saï éplorée.

– Eliiiiiz !

La rivenz fut alarmée par ses yeux brillants de larmes retenues.

– Quand tu n'es pas là, Kaolan se croit tout permis !

Les sourcils d'Eliz s'élevèrent avec incrédulité.

– Sûrement, c'est tout à fait son genre, soupira-t-elle en repoussant la jeune fille. Si tu veux tout savoir, c'est moi qui lui ai demandé de veiller sur vous en mon absence. On peut arrêter les enfantillages maintenant ?

Eliz rentra dans l'auberge à grand pas, suivie d'une Saï boudeuse, frustrée de n'avoir pu raconter son histoire. D'un signe à Kaolan, installé près d'une fenêtre dans la salle commune, la rivenz lui enjoignit de les suivre.

Elle monta à l'étage des chambres et frappa à celle de Yerón. Elle ouvrit celle-ci, nullement rebutée par le grognement qui lui parvint en réponse.

– Amène-toi s'il te plaît, réunion dans notre chambre, il y a plus de place. Tu peux emmener tes documents.

Une fois dans la chambre qu'elle partageait avec Saï, Eliz s'assit sur son lit tandis que la jeune derujin rejoignait la boule de plume qui dormait sur le sien. Lorsque Yerón rentra dans la pièce, ses yeux s'arrondirent démesurément en remarquant la petite créature.

– Qu'est-ce que c'est q..., non ! Un griffon ?

Entre émerveillement et incrédulité, il commença à bégayer.

– Je... je peux ?

Saï acquiesça, ravie de l'intérêt. Le jeune homme s'assit de l'autre côté de Tempête et tendit avec hésitation ses doigts pour le caresser.

Eliz se racla la gorge bruyamment.

– Si ça vous intéresse de le savoir, mon audience a été fixée à dans cinq jours. Et encore, ils peuvent tout à fait décider de repousser au dernier moment. Cela ne nous met pas dans une situation très confor...

Une voix peu amène l'interrompit.

– Je t'avais prévenue, la méthode forte y'a que ça qui marche, comme chez les autres bouseux...

– Ferme-la, Griffe !

Yerón qui pensait pouvoir difficilement être surpris davantage identifia l'origine de la voix comme provenant de la table sur laquelle reposait une grande épée dans son fourreau. Il battit plusieurs fois des yeux stupidement avant que son érudition ne vienne à son secours. Bien sûr qu'il connaissait l'existence des Armes de Loyauté de l'élite rivenz. Son regard se reporta sur Eliz avec un respect nouveau.

– Yerón, Griffe Écarlate, mon épée, soupira Eliz en une brève présentation. Excuse-la, elle est tout le temps comme ça. J'étais donc en train de dire que j'ignore pour combien de temps nous sommes coincés ici et qu'il faudra bien trouver un moyen de mettre à profit cette attente. Comme par exemple, en partageant nos informations.

Sur ces mots, la rivenz regarda franchement Yerón droit dans les yeux. Le jeune homme acquiesça lentement.

Quelques instants lui furent nécessaires pour rassembler le courage dont il avait besoin pour se lancer dans un récit qu'il n'avait jamais fait. Il raconta la mort de son maître et la tour en flamme, les recherches sur les pouvoirs pwynys et le journal perdu de l'explorateur, il relata même ses mésaventures sur Jultéca'th. Il lui semblait qu'il ne pouvait plus s'arrêter de parler, comme s'il était enfin libéré de tout le poids dont il s'était lui-même chargé. Comment pouvait-il ainsi tout raconter à des inconnus rencontrés un jour plus tôt à peine, alors qu'il avait refusé de se confier à son meilleur ami ? C'était une question qu'il ne se posait même pas en cet instant, l'alliance d'îles et de races qu'il avait devant lui était trop improbable pour ne pas lui inspirer confiance.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now