4- "Une ambiance plus glauque qu'à la carrière " 3/3

33 7 23
                                    


Eliz redescendit les gradins jusqu'à la piste, pensive. Sous un abri de toile, deux hommes triaient et organisaient les armes et les armures utilisées pour l'entraînement. Ils discutaient avec animation. Dès qu'ils aperçurent Eliz, ils se turent brutalement.

La guerrière serra le poing. Ce n'était pas la première fois que le silence se faisait sur son passage. Évidemment, personne n'avait jamais eu le cran de venir la confronter directement, toutefois les ricanements et les regards en coulisse étaient monnaie courante. L'injustice de la situation la faisait bouillir de rage. Qu'avaient accompli les ricaneurs ? Avaient-ils traversé îles et mer pour revenir dans leur patrie ? Avaient-ils sauvé la princesse ? Avaient-ils retrouvé Soleil Triomphant ? Comment se permettaient-ils de la juger sur la foi d'un seul acte mal interprété ? Jamais elle n'aurait fui Schelligen si le roi Alarick ne le lui avait ordonné. Heureusement qu'ils ne constituaient qu'une petite fraction de ce nouveau groupe de résistants, ou elle aurait préféré déserter les lieux immédiatement.

Elle quitta l'arène par la grande arche, en se demandant si elle ne devrait pas prévenir Johann qu'elle risquait d'amocher quelques-uns de ses combattants si l'ambiance restait aussi hostile.

Johann fut justement le premier qu'elle rencontra en passant devant l'enclos des poules. Il semblait chercher quelqu'un, passant sa tête dans toutes les tentes qui croisaient sa route. Il lui adressa un signe de main amical alors qu'elle s'approchait de lui.

– Eliz, tu n'aurais pas vu ton amie Razilda ? lui demanda-t-il. Je la cherche depuis un moment.

– Il me semble qu'elle est partie explorer du côté de la mer, tôt ce matin, répondit Eliz. Pourquoi ? Tu as besoin d'elle ?

Johann détourna le regard avec un geste évasif de la main.

– J'avais une proposition à lui faire. Ça peut attendre.

« D'ailleurs, continua-t-il en baissant la voix, nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler, mais as-tu regretté ta décision ?

– Ma décision ? Ah, tu veux dire au sujet de Razilda ?

Eliz sourit, ses soucis de la matinée soudain ramenés au second plan.

– Non, je ne l'ai pas regrettée. Elle a toujours été une alliée précieuse.

Johann hocha plusieurs fois la tête, fixant ses pieds d'un air inspiré.

– Bien, très bien. J'en suis heureux. Toutes les histoires de trahison ne se terminent pas aussi bien...

La guerrière fronça brièvement les sourcils avant de comprendre.

– Tu veux dire que vous savez qui a vendu l'emplacement de la carrière aux Sulnites ? J'avoue que la question m'a préoccupée.

Johann s'assit sur un des piquets de la clôture et croisa les bras.

– Tu te souviens d'Egon ? demanda-t-il d'un ton navré. Un garçon brun, pas très causant. Toujours en train de faire la tête. On ne l'a retrouvé nulle part après l'attaque de la carrière. Ni parmi les morts ni parmi les survivants. En se renseignant, on a fini par apprendre que les Sulnites gardaient ses parents prisonniers et qu'ils faisaient pression sur lui.

Pendant que Johann parlait, Eliz repéra la longue silhouette de Razilda se découper dans le ciel bleu, du côté de la passe qui menait vers la côte. Elle paraissait essoufflée, mais satisfaite de son équipée. Eliz lui sourit. Pourtant lorsque la Jultèque remarqua leur présence, elle changea brusquement de direction. La guerrière fronça les sourcils, vaguement inquiète. Voyant qu'Eliz ne l'écoutait plus, Johann se retourna. Il aperçut Razilda et son front s'éclaira aussitôt. Il la héla gaiement. Sa voix chaude habituée au commandement traversa sans mal l'espace qui les séparait et la Jultèque se figea sur place. Elle se tourna lentement vers eux, comme à contrecœur et n'eut pas d'autre choix que de les rejoindre, sa longue queue de cheval soulignant chacun de ses mouvements. À son approche, Johann se redressa de toute sa taille et croisa les mains dans son dos.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now