5- "Tout le monde était aussi pressé que moi de quitter l'arène." 2/2

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La royauté rivenz avait décidé que si une famille pouvait s'enorgueillir tant qu'elle voulait des exploits de ses ancêtres, il était hors de question de voir s'accumuler entre les mains des héritiers, des Armes de Loyauté non méritées. Les solutions à cet épineux problème n'étaient pas légion. Les armes forgées grâce à la maënite étant douées de conscience, il était donc impensable de les détruire. Ne restait que le stockage.

À la mort d'un porteur d'Arme de Loyauté, ou en de très rares occasions, lorsque celui-ci était déchu de son statut, son arme était récupérée par ses pairs. Le palais royal avait tout d'abord dédié une de ses pièces à l'entreposage. Puis deux. Puis, deux siècles plus tard, une tour entière. Comprenant qu'il était impossible de continuer ainsi, sous peine de voir la population d'armes empiéter sur l'espace vital des êtres humains, la construction d'une aire de stockage spéciale avait été lancée.

D'après les informations qu'Hermeline avait trouvées à la Bibliothèque, ces installations avaient été creusées dans la roche des falaises de la côte occidentale. De temps à autre, un détachement de personnes de confiance y était envoyé pour vérifier l'inviolabilité de l'endroit, et éventuellement y entreposer les armes des porteurs décédés.

Les deux premiers jours du voyage avaient été extraordinairement tranquilles. Eliz, Saï, Yerón, Razilda et Kaolan avaient suivi la côte au pas paisible de leur monture. Même vers le sud, le paysage présentait cette aridité qui avait chassé la population. Les hautes falaises battues par les vents étaient peu favorables aux cultures et les villages avaient préféré se blottir dans les plaines irriguées par les fleuves venus de la Grande Barrière.

Ce soir-là, c'était Kaolan qui avait pris le premier tour de garde. Il ne fuyait plus ses compagnons, comme il l'avait promis à Saï. Il avait même accepté de se remettre à entraîner la jeune fille à l'arc. Il regrettait d'ailleurs déjà cette décision. Chaque fois qu'il voyait l'un de ses amis poser son regard sur lui, il imaginait son expression affectueuse bouleversée par le chagrin qu'il risquait de lui infliger. Il peinait à croire que ce qu'il avait pu apporter au cours de leur voyage justifiait de se donner autant de mal pour lui.

Il s'extirpa de l'anfractuosité où ils s'étaient tous entassés pour la nuit et contourna le petit feu dont il entretenait consciencieusement la flamme. Il laissa son regard errer sur les formes assoupies de ses amis. Saï était blottie contre Tempête qui occupait à lui seul un tiers de leur abri. De l'autre côté, se serraient Eliz, Razilda puis Yerón qui dormait la bouche ouverte.

À sa grande horreur, il se rendit compte qu'il les aimait tous. Peut-être pas tous pareil, mais certainement tout autant que ses amis les plus proches de son clan. Il soupira. Dès son départ, il avait pourtant été conscient que traîner avec des humains ne pouvait rien lui apporter de bon. Simplement plus de souffrances et de cas de conscience.

Kaolan se tourna vers la plaine, au loin à l'est, qui somnolait sous le ciel d'encre. Il s'accroupit sur ses talons et ferma les yeux, tentant de se projeter dans la sécurité de son clan. Il évoqua les grands arbres au tronc moussu et les huttes accrochées aux branches. Il essaya de se remémorer l'expression pleine de sagesse de Lith, la shaman, la démarche assurée de Nyx et le rire tonitruant de Rogar. Bouleversé, il se rendit compte qu'il n'y parvenait qu'à grand-peine. Pire, imaginer son clan et son village ne lui procurait aucun doux sentiment de nostalgie. Pourtant, c'était bien pour eux, pour leur sécurité à tous, qu'il s'apprêtait au plus grand des sacrifices. Il posa une main sur sa poitrine qui se serrait douloureusement et resta un instant prostré.

– Kaolan ? Que t'arrive-t-il ? dit une voix dans son dos.

Il se releva lentement et se retourna pour voir Razilda s'avancer vers lui.

Poussières de TerresOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz