16- "L'émotion de revenir sur les lieux de sa naissance." 3/3

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Au détour d'un dernier bosquet, ils découvrirent la campagne rivenz. Vert et humide, le paysage était totalement différent de celui qu'ils avaient traversé au sud de la forêt. Le long d'une large route qui sinuait non loin d'eux, des champs et des vergers s'égrenaient en un camaïeu coloré, parsemé de petites fermes. Les toits d'ardoise d'un village se distinguaient plus loin vers leur gauche entre les dernières volutes de la brume matinale.

– Sais-tu où nous sommes ? demanda Razilda à Eliz.

Celle-ci croisa les bras et scruta le paysage autour d'eux en humant l'odeur d'herbe mouillée si caractéristique de la campagne où elle avait grandi.

– J'en ai une idée générale, répondit-elle, mais je ne sais pas vraiment à quel niveau nous sommes. Dans tous les cas, Riven est vers l'ouest, elle est impossible à manquer.

– Il y a un village pas loin, intervint soudain Saï, décidée. Je pourrais y aller pour glaner quelques informations, savoir où nous sommes et... acheter quelques provisions, nous n'allons pas tarder à manquer.

La jeune fille était un peu effrayée par sa propre audace, mais elle s'en sentait parfaitement capable. Eliz prit une grande inspiration, elle était plus que tentée par cette proposition. Cependant Razilda prit la parole en premier, secouant la tête.

– Ce serait prendre des risques inutiles. Nous pouvons très bien nous débrouiller dans la nature pour refaire le plein de provisions. Saï, tu ne ressembles pas à une rivenz, Yerón est trop facilement identifiable avec ses mèches rouges et évidemment, Eliz risquerait d'être reconnue.

Et Razilda, avec ses pommettes hautes et son teint mat n'avait pas plus l'air rivenz. Eliz grimaça, elle était parfaitement consciente de tous ces détails, mais elle ne supportait plus d'être dans l'ignorance.

– Nous ne pouvons pas continuer sans nous renseigner un minimum sur l'état de l'île, argumenta-t-elle en faisant de gros efforts pour rester calme. J'ai besoin de savoir si l'armée est très présente, si les villageois sont malmenés, où sont les garnisons... Nous prenons tout autant de risques en avançant à l'aveuglette. Tu ne vas pas prétendre le contraire, tout de même !

La jultèque se pinça l'arête du nez avec agacement, voilà pourquoi elle préférait travailler seule. Que de temps gagné pour l'action à ne pas argumenter ni se battre pour la moindre décision !

– Je ne dis pas le contraire, mais dans notre cas précis, le secret reste notre meilleur avantage, et je ne veux pas risquer inconsidérément de le perdre. Si toute l'armée nous recherche, plus une partie de la population, nous n'aurons plus aucune marge de manœuvre.

Elle ne rêvait pas pourtant, elle leur avait déjà expliqué ses arguments plusieurs fois. Pourquoi en étaient-ils toujours au même point ?

Eliz se campa sur ses jambes, bras croisés.

– Cette fois, je ne suis plus, affirma-t-elle, catégorique. Quelqu'un ira dans ce village pour chercher des informations. Cela n'a rien de déraisonnable. Le seul détail qui me chagrine....

La guerrière laissa traîner son regard sur Saï en faisant la moue, y envoyer la jeune fille ne lui convenait guère. C'était une tâche dont elle aurait largement préféré se charger elle-même.

Saï prit un air buté qui rendit son visage encore plus enfantin.

– Je peux le faire, dit-elle, je serais prudente. Personne ne se méfiera de moi. Personne ne se méfie jamais de moi, de toute façon.

Ignorant les derniers mots dramatiques de la jeune fille, Razilda s'éloigna délibérément et s'assit sur un gros rocher avec un soupir dégouté.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now