13- "Elle est bien la digne fille de son père." 2/3

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Pour mettre un terme à cette amorce de catastrophe, Eliz posa une main énergique sur le bras du jeune homme.

– Calme-toi, dit-elle, masquant son anxiété. On va y arriver. Tiens bon, encore quelques respirations, et on sera sorti d'aff...

Un renâclement exaspéré l'interrompit.

Eliz se retourna.

La monture de Saï s'était cabrée. La jeune fille tenta de se retenir à sa crinière et un instant, elle parut y parvenir. Mais soudain, elle lâcha prise, glissa sur le côté et tomba dans la rivière, soulevant une gerbe d'eau glacée.

– Saï, par la malepeste ! jura Eliz.

« Et toi, n'en rajoute pas, reste concentré ! ajouta-t-elle sèchement à l'adresse de Yerón.

Elle fit mine de démonter, mais Kaolan la devança.

– Je m'en occupe ! annonça-t-il.

Il sauta de son cheval sans l'arrêter et lui claqua la croupe avant de retomber dans l'eau. Saï en jaillit, hébétée, cherchant à reprendre son souffle. L'homme-félin la saisit sous les bras et l'entraîna avec lui. La jeune fille se remit tant bien que mal sur ses pieds tandis que le niveau de l'eau continuait à monter, dépassant déjà les genoux. Kaolan la soutint jusqu'à la berge où ils dérapèrent dans la boue. Eliz leur avait aussitôt emboîté le pas, entraînant Yerón à sa suite.

– Tu peux commencer à tout remettre en place, le pressa-t-elle.

Puis elle se pencha sur l'encolure de sa monture.

– Allez, fonce mon grand, murmura-t-elle, sors-nous de là.

Aussi pressé que sa cavalière de sortir de cette eau glacée au comportement anormal, le cheval bondit en avant. Quelques-unes de ses foulées puissantes suffirent à les sortir du lit de la rivière qui reprenait peu à peu son apparence naturelle. Eliz se jeta à nouveau un regard soucieux vers l'autre rive. Il lui sembla distinguer un mouvement là où la route était la plus haute, accompagné d'un chant martial.

– Vite, à couvert ! ordonna-t-elle.

Un peu plus loin, Razilda et Hermeline leur adressaient de grands gestes depuis un bosquet de jeunes frênes où elles avaient trouvé refuge. Toutes deux avaient mis pied à terre pour rattraper les montures de Kaolan et de Saï qui s'étaient vite calmées une fois sorties de l'eau. Hermeline semblait s'évertuer à vouloir les faire se coucher, avec un succès mitigé.

Soutenant toujours Saï, Kaolan s'était jeté derrière les buissons épineux qui bordaient la rivière. Eliz s'assura d'un bref regard qu'ils étaient saufs et lança sa monture au galop pour rejoindre le couvert des arbres.

Yerón n'eut pas besoin de consignes pour l'imiter. Son regard était fiévreux et ses mains tremblaient sur les rênes, mais il tint en selle juste le temps qu'il fallait pour se mettre en sécurité. Sitôt fait, il en glissa pour s'allonger par terre sans un mot.

Eliz démonta également, avec plus de mesure. Accroupie derrière un buisson où Razilda vint la rejoindre, elle observa les Sulnites qui descendaient le long de la route, chantant un chant de marche à pleins poumons. La rivière était encore agitée de puissants remous écumeux qui obscurcissaient ses eaux en brassant l'épais limon qui en couvrait le fond. Quelques soldats parurent remarquer le phénomène et pointèrent du doigt le lit de la rivière. Le chant faiblit alors que les hommes jetaient des regards curieux vers l'Elm en manifestant leur étonnement à leurs compagnons. Un rappel à l'ordre de l'officier qui menait la colonne suffit à resserrer les rangs, et les Sulnites continuèrent leur chemin. Rien ne pouvait laisser supposer que des fugitifs venaient de traverser l'Elm à cet endroit.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now