5- "Je suis obligée de vous en parler ?" 1/2

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"Je suis obligée de vous en parler ? Parce que
j'en ai vraiment pas envie."
Eliz Drabenaugen, étrangement silencieuse.


La nuit avait été courte. Eliz et Yerón avaient dormi tant bien que mal dans une cave éboulée que la Rivenz connaissait. Enfin, dormi... C'était un bien grand mot. Transis de froid, blottis l'un contre l'autre, ils avaient oscillé entre des périodes de veille inquiète et de sommeil agité.

Ce ne fut qu'en se réveillant qu'Eliz constata qu'elle avait été blessée la veille. Le sang avait séché en collant sa tunique contre la blessure le long de son bras. Pendant qu'elle entreprenait de décoller le tissu sans rouvrir son estafilade, tout en jurant copieusement, Yerón faisait nerveusement les cents pas dans l'étroit réduit.

– Qu'allons-nous faire, maintenant ? se désolait-il. Nous n'avons plus rien ! Notre argent est resté au manoir ! Et mes recherches ! Tous mes documents y sont aussi ! Grands dieux, et ma carte pour trouver la Grande Bibliothèque !

Et le jeune homme s'arrachait des poignées de cheveux à chaque nouvelle découverte.

– Tu oublies Razilda, ajouta Eliz, on l'a perdue, elle aussi.

Les lèvres de Yerón formulèrent des mots qui ressemblaient à « pas une grosse perte » sans qu'aucun son ne les franchît. Après quelques instants de réflexion, tous deux se regardèrent.

– Il faut retourner au manoir, dirent-ils d'une même voix.

Eliz soupira.

– C'est dangereux, les soldats sulnites ont sûrement investi les lieux, prévint-elle.

– Je peux être discret, dit Yerón. Je peux passer par les toits et ouvrir les fenêtres de l'extérieur.

Eliz le regarda fixement, puis sourit.

– Dis donc, Pwynyth' ne doit pas être une île très sûre si tous les habitants sont comme toi.

– Balivernes, répondit Yerón, agacé. D'une part la plupart des pwynys sont loin d'avoir les mêmes pouvoirs que moi et... réfléchis. Ce n'est pas parce que tu as le pouvoir de commettre un crime que tu vas le faire, non ? Prendre un couteau pour tuer son voisin est à la portée de n'importe qui. Pourtant peu de gens vont le faire !

– Tu as raison, je m'excuse, dit Eliz en s'inclinant de bonne grâce. Quoi qu'il en soit, si tu t'introduis dans le manoir Hammerstein, il faut y laisser un message à Razilda pour se donner un point de rendez-vous ; elle va forcément y revenir pour nous chercher. Et avant toute chose, nous devons aller prévenir Wolfang. Il doit partir sans nous. J'imagine que les Sulnites doivent être à notre recherche et nous ne devons pas le mettre en danger. On se débrouillera pour rejoindre les autres.

Yerón n'ayant, aux dernières nouvelles, pas le pouvoir de se rendre invisible, les deux amis convinrent qu'il était plus prudent de repousser l'opération à la nuit suivante. Aucun des deux ne se réjouissait à l'idée d'une journée d'inaction alors qu'ils étaient probablement recherchés, mais ils n'avaient guère le choix.

– Je vais commencer par aller prévenir Wolfang, planifia Eliz. J'en profiterai pour évaluer si l'escarmouche de la nuit a changé le comportement des Sulnites.

Sans en dire mot, elle espérait également retrouver Razilda.

– Et moi ? demanda Yerón assis sur les rares dalles non défoncées de la cave en levant vers elle des yeux de chaton abandonné.

– Toi ? Eh bien... hésita Eliz. Tu peux entraîner tes pouvoirs, j'en suis sûre. Tu n'as pas besoin de matériel.

– Hmm, pas bête, commenta le jeune homme en jetant un regard circulaire à leur cachette.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now