7- "J'aurais eu l'occasion de visiter le palais royal." 2/2

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Après une demi-heure que Razilda employa à ressasser des pensées peu agréables, la porte s'ouvrit enfin, laissant le passage à Margaretta Schönborn.

– Je suis ravi de vous avoir rencontré. Vous recevrez très vite des nouvelles de mon intendant, disait le gouverneur avec amabilité. Je vous souhaite une bonne journée.

Ils furent raccompagnés jusqu'à l'extérieur du château, sans qu'aucune parole ne fût échangée. Arrivés sur le pont, les enfants qui s'étaient retenus bien trop longtemps craquèrent enfin.

– Tu as vu comme il est grand ? souffla Heinrich, pourtant toujours si sérieux, à sa sœur.

– Immense ! confirma celle-ci en secouant ses anglaises auburn avec enthousiasme, je n'avais encore jamais vu de Sulnite d'aussi près, ça fait trop bizarre !

– Jeunes gens, je vous prie de vous tenir correctement, intervint leur mère. Je vous rappelle que nous sommes toujours en public.

Les deux adolescents redressèrent les épaules et levèrent le menton machinalement.

– Père, avez-vous vu la magnifique épée accrochée au-dessus de la cheminée ? demanda Heinrich d'une voix soudainement pleine de componction. Ne s'agirait-il pas de Soleil Triomphant ?

– Oui, mon fils, c'est finement observé, dit Léopold Schönborn avec un hochement de tête approbateur. Il s'agit bien elle. L'héliolite polie qui constitue le pommeau est caractéristique. Quelle pitié qu'elle finisse en ornement, accrochée à un mur...

– Il a dû le sentir passer quand il a posé la main dessus, ne put s'empêcher de glisser Kristine à son frère qui gloussa à cette idée.

– Voyons, mon ami, que racontes-tu ? le rappela à l'ordre sa femme en jetant des regards inquiets autour d'elle. Vous aussi, les enfants ! Mesurez donc vos paroles. Nous ne pouvons nous permettre d'exprimer ainsi tout ce qui nous passe par la tête.

Ainsi rappelés à l'ordre, les membres de la famille optèrent pour un prudent silence pour le reste du trajet.

Dès qu'ils passèrent la porte de leur demeure, Friedrich et Karine se jetèrent sur eux, avides de nouvelles. Les deux plus jeunes enfants, vexés d'avoir été laissés à la maison exigeaient un compte-rendu détaillé en les bombardant de questions.

Razilda profita du tumulte pour s'esquiver. C'était la fin de l'après-midi et elle descendit à la cuisine dans l'espoir de trouver un morceau à grignoter en attendant le repas du soir. Elle aimait bien s'y rendre. La pièce était chaleureuse et le cuisinier appréciait sa compagnie, d'autant plus qu'elle veillait à lui fournir soigneusement les potins, ragots et informations diverses qu'elle pouvait glaner au cours de sa journée. Il la remerciait en la laissant chaparder fruits et biscuits de temps à autre. Lorsqu'elle s'installa sur un petit tabouret après l'avoir salué, le cuisinier qui s'affairait à ses fourneaux lui adressa un sourire de bienvenue par-dessous sa moustache en bataille.

– Il y a encore eu du grabuge, il y a deux jours, lui annonça-t-il avec empressement, comme s'il avait attendu toute la journée pour le faire. Un petit groupe de résistants a volé des armes et des provisions à la garnison sulnite stationnée à Salzheim. C'est la marchande de légumes qui m'a dit ça ce matin. Il paraît que les habitants fuient la ville par peur des représailles, ajouta-t-il sombrement.

– On sait même plus si on doit se réjouir des réussites des résistants ! ajouta Ida, la fille de cuisine, avec agacement. À force, on va finir par penser qu'ils ne se préoccupent pas de la sécurité des gens !

– C'est sans aucun doute le but des Sulnites, se contenta de répondre Razilda, qui avait toujours évité d'exprimer des opinions politiques tranchées.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now