14- "J'ai vraiment cru qu'on avait fait tout ça pour rien. "

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« À cet instant, j'ai vraiment cru qu'on avait fait tout ça pour rien. »
Eliz Drabenaugen, au bout du rouleau.


Même tenaillée par l'angoisse, Saï avait persisté dans sa tâche et décroché toutes les bannières sulnites. Elle avait même pris l'initiative de hisser un étendard rivenz qu'elle avait trouvé roulé dans un coin. Puis elle avait récupéré Kaolan qui lui faisait des signes depuis l'une des tours les plus élevées du château.

Alors qu'ils survolaient la cour pour s'assurer qu'il ne restait aucun soldat embusqué, un regain d'activité attira leur attention. Ils assistèrent à la sortie des prisonniers sulnites solidement encadrés par les résistants. Lorsqu'elle aperçut Eliz saine et sauve, Saï étouffa quelques sanglots nerveux, une main pressée contre sa bouche.

– Je t'avais dit qu'elle s'en sortirait, dit Kaolan en lui tapotant maladroitement l'épaule, tout aussi soulagé qu'elle.

Les menaces d'Eliz et les ordres réticents du prince Isfarak firent sortir les derniers groupes de soldats sulnites de leur cachette, les mains levées.

À l'est, le ciel commençait à pâlir et les étoiles s'éteignaient les unes après les autres. Tempête descendit vers les jardins et se posa à côté d'un bosquet de rosiers hérissé d'épines. Kaolan et Saï glissèrent de son dos pour se précipiter vers leurs amis.

– Emmenez-moi tout ça dans les cachots, et en vitesse ! ordonnait Eliz.

Elle poussa le prince devant elle, mais chancela sur ses jambes. Razilda la soutint aussitôt.

– Wolfang, prenez le relais, s'il vous plaît, lança-t-elle au bûcheron.

L'homme s'exécuta avec un froncement de sourcil inquiet. Lorsque Saï vit la cuisse d'Eliz maculée de sang, elle s'enflamma instantanément.

– Tu as décidé de perdre l'usage de ta jambe ou quoi ? Assieds-toi là-bas, je vais m'occuper tout de suite de ta blessure.

Eliz tenta de protester, cependant ses forces l'abandonnaient. Razilda la soutint jusqu'à un banc de pierre et l'aida à s'asseoir.

– Et vous ? lui jeta Saï. Vous n'auriez pas pu l'empêcher de forcer comme ça ?

Razilda leva un sourcil incrédule.

– Du calme, jeune fille, prendre de l'assurance, c'est bien, mais il ne faudrait pas exagérer, dit-elle sévèrement. Et tu sais à quel point elle est tête de mule.

– Ah ça...

– Je vous signale que je n'ai pas encore perdu connaissance, grogna Eliz, affalée sur le banc, je vous entends parfaitement.

Tempête s'approcha et Saï sortit sa trousse de soins de ses fontes. Voyant que ses amies étaient fort occupées, Yerón décida de suivre la troupe qui emboîtait le pas à Kay. L'ancien garde ouvrait la marche vers l'entrée des cachots. Si les prisonniers tentaient de se rebeller, son aide ne serait pas superflue. Kaolan l'accompagna alors qu'une poignée de résistants se plaçait en position défensive autour du banc.

Saï soigna la blessure d'Eliz avec toutes les connaissances qu'elle avait acquises, alternant les recommandations et les reproches sans aucune logique. Elle bandait avec soin sa cuisse lorsque son amie poussa un cri d'exclamation et eut des velléités de se dresser sur ses jambes.

– Eliz, voyons ! la réprimanda-t-elle. Que Lilan t'accorde un peu de patience, j'ai presque fini.

Mais lorsqu'elle vit l'expression d'Eliz et de Razilda, elle se retourna. Le rouleau de bandage qu'elle tenait atterrit sur les dalles de la cour et se déroula. Les résistants qui revenaient des geôles encadraient trois silhouettes à l'allure dépenaillée. Malgré leur visage hâve et creusé, leurs yeux immenses cerclés de cernes bruns, Saï les reconnut sans peine.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now