4- "Tous ces Seigneurs pompeux..." 1/3

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"Tous ces Seigneurs pompeux, j'avais tellement envie de les secouer !"
Eliz Drabenaugen, capitaine de la Garde Céruléenne.


Durant les jours de marche qui suivirent, à travers l'immense forêt derujin, une curieuse routine s'installa. Kaolan ne cheminait pas avec ses compagnes de route forcées. Il les suivait tout en restant sous le couvert des arbres. Il ne les rejoignait qu'au moment du bivouac, généralement porteur de lièvres ou de grives qu'il avait chassés dans la journée. Cette contribution au groupe lui avait définitivement gagné le cœur d'Eliz, pour laquelle les maigres portions de poissons séchés assorties des quelques baies ou fruits trouvés le long de la route étaient loin de constituer un repas roboratif. Saï avait bien tenté de bouder le fruit de la chasse de l'homme-félin, mais la faim avait été la plus forte et elle n'avait pu s'y tenir longtemps.

Lorsqu'au sortir de la forêt, Derusto leur apparut dans la plaine en contrebas, les deux femmes soupirèrent de soulagement. Même de loin, la cité semblait magnifique. On pouvait déjà distinguer des monuments élégants aux tuiles colorées qui trônaient au milieu de rues aérées émaillées de taches de verdure.

Et une fois dans ses rues, la capitale culturelle, religieuse et politique de l'île tenait toutes ses promesses.

Eliz et Saï s'y étaient rendues seules, laissant Kaolan et Tempête dans les bois environnants. Saï avait bien rechigné à abandonner le petit griffon en compagnie de l'homme-félin, pourtant Eliz était parvenue à la convaincre que celui-ci n'avait aucun intérêt à faire du mal à Tempête s'il souhaitait réellement les accompagner. Elle n'arrivait pas à imaginer la moindre trace de duplicité dans leur nouveau compagnon. Trop désireuse de visiter la ville, Saï avait fini par accepter son raisonnement.

Et elle ne regretta pas son choix. Pour la petite campagnarde, les sources d'émerveillement ne manquaient pas. La foule dans les rues, la taille des bâtiments, les étalages des marchands...tout avait des proportions extraordinairescomparées à celles de son village.


Le long de la large rue pavée, des maisons de bois se pressaient les unes à côté des autres. Parfois, un mur laissait deviner la cour arborée qui se cachait derrière. Des lampions multicolores étaient accrochés sous les auvents, et Saï imagina avec ravissement l'effet que leur éclairage produirait à la nuit tombante.

Une foule animée envahissait la rue. Des porteurs tiraient de petites charrettes à deux roues en courant et criaient pour qu'on leur cédât le passage. Plusieurs fois, Eliz dut tirer Saï hors de leur chemin. Après avoir failli perdre plusieurs fois la jeune fille qui s'arrêtait parfois net devant l'enseigne d'un théâtre ou la verdure rafraîchissante d'un parc, Eliz avait fini par lui agripper la main et la traîner derrière elle.

Eliz aurait, elle aussi, pu être charmée par l'exotisme de Derusto. Mais elle avait bien d'autres préoccupations en tête. Trouver l'endroit où se tenait le Conseil des Seigneurs, en premier lieu. Elle avait commencé à demander son chemin aux passants, mais elle s'était vite rendue compte que quelque chose clochait. Les gens qu'elle abordait marmonnaient dans leur barbe avant de s'esquiver le plus vite possible et leur regard se détournait avec embarras. Lorsque la guerrière comprit enfin que le problème, c'était elle, elle envoya Saï glaner les informations nécessaires.

Sa tâche accomplie, Saï revint toute sautillante, heureuse de pouvoir se rendre utile. La jeune fille fit son rapport.

– Le Palais des Gardiens de la Coutume du Seigneur Terasu est sur la Place du Griffon Vainqueur. C'est la place principale. Il faut continuer dans cette direction, et à chaque croisement prendre la rue la plus grande. On ne peut pas se tromper. Sur cette même place, il y a aussi le temple blanc de Lilan. On m'a même... euh... donné l'adresse d'un théâtre, si... si on a le temps bien sûr...

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now