1- "J'aurais dû leur parler de mes recherches bien plus tôt." 1/2

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"Je me suis dit que j'avais vraiment été idiot de ne pas
leur avoir parlé de mes recherches plus tôt."
Yerón, amateur du culte du secret.


Adàn Eskandar descendait en hâte les grands escaliers de pierre pour rejoindre son bureau. Au passage de sa haute stature, le personnel rivenz du château s'écartait vivement, semblant vouloir s'incruster dans les tapisseries qui ornaient les murs. Depuis qu'il avait pris son poste de gouverneur de Riven et établi ses quartiers dans les plus beaux appartements du palais royal, il ne se souvenait pas avoir déjà malmené un seul serviteur ici, pourtant tous lui jetaient des regards de bêtes traquées. Il avait cessé de s'en irriter.

Il fallait convenir qu'il était grand, même pour un sulnite, et le voir traverser les halls et les couloirs à grandes enjambées conquérantes était toujours impressionnant. Il avait des cheveux poivre et sel, coupés très courts, habitude qu'il avait gardée de son passé militaire. Son large visage carré était orné de favoris grisonnants et sillonné des rides que les soucis endossés pour la nation sulnite avaient multipliées.

Il aimait admirer l'architecture du palais lors de ses déambulations. Moins raffinée que sur Sulnya'th, ses structures simples reposaient l'œil et mettaient en valeur les ornements muraux. Tableaux, tapisseries, et parfois même larges dalles de faïence rehaussaient de leurs couleurs vives les murs de pierres claires.

Le gouverneur entra dans son bureau avec satisfaction. La pièce, autrefois réservée à sa défunte Majesté le roi Alarick, était vaste et chaleureuse. Le soleil rentrait généreusement par deux grandes fenêtres qui donnaient sur la mer. Elles étaient encadrées par des bibliothèques dont les rayonnages encombrés de livres de toutes tailles, s'élançaient jusqu'au plafond. Le magnifique bureau en châtaignier sculpté, lourd de tiroirs et de rangements divers, était confortablement installé à côté de la cheminée monumentale. Le manteau de celle-ci était fait d'émail bleu dans lequel se détachait le blason des Soltenhart, une épée barrant un soleil d'un jaune flamboyant. Au-dessus du blason, une véritable épée était accrochée, protégée par un fourreau décoré de pierres précieuses. Lorsqu'il travaillait dans cette pièce, le regard du gouverneur Eskandar s'y attachait souvent, caressant ses formes avec gourmandise.

Pour l'heure, l'homme s'installa au bureau. Il avait dû le faire rehausser après avoir passé une semaine à travailler courbé en deux et en avoir conçu des maux de dos intenses. Les rivenz étaient si petits ! À son arrivée sur l'île, il avait trouvé extrêmement étrange d'évoluer dans un environnement où il dépassait tout le monde de plus d'une tête.

Cependant, ce n'était pas la pire des bizarreries rivenz auxquelles les sulnites avaient été confrontés. Le gouverneur déplaça avec affection le portrait miniature de son épouse, sa douce fleur restée sur Sulnya'th. Comment les rivenz pouvaient-ils laisser leurs femmes s'avilir à faire des tâches d'hommes ? Il en avait même vu dans les rangs de l'armée et des gardes du palais. Nombre de ses compatriotes en avaient été déstabilisés, se battre contre des femmes allait à l'encontre de leur éducation. Avec les responsables de l'armée, il avait dû procéder à des campagnes d'informations à répétition pour expliquer aux soldats qu'ils n'avaient pas à respecter les femmes rivenz davantage qu'elles ne se respectaient elles-mêmes.

La philosophie des rivenz lui était complètement incompréhensible. Lorsque Ramina l'avait choisi parmi tous ses prétendants, il n'avait jamais été aussi heureux et dévouer sa vie à son bonheur à elle, à lui apporter tout ce qui pourrait la combler, lui avait paru et lui paraissait encore la tâche la plus honorable qui soit.

La société rivenz était visiblement bien plus barbare. Peut-être que l'occupation sulnite pourrait leur apporter un peu du raffinement qui leur manquait tant.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now