7- "J'aurais eu l'occasion de visiter le palais royal." 1/2

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« Au moins, j'aurais eu l''occasion de visiter le palais royal. »
Razilda de Grisval, espionne en reconversion


Petit à petit, la vie s'organisa dans l'ancienne carrière qui servait de quartier général à la trentaine de résistants venue s'y réfugier. Une fois que les nouveaux venus parvinrent à se familiariser avec le labyrinthe de couloirs et de pièces, chacun chercha à y trouver sa place.

Pour se rendre utile, Saï se tourna d'abord vers les tâches qui lui étaient les plus familières. Elle s'intéressa à la culture des champignons et à l'élevage des poules, deux activités que les résistants avaient organisées dans des grottes réservées à cet usage, dans l'espoir d'améliorer leur ordinaire et de moins dépendre du vol ou du don de nourriture. Bien sûr, elle proposa très vite son aide en cuisine. Aide qui avait été volontiers acceptée par Gerda, la cuisinière, une petite bonne femme ronde et joviale, mais intransigeante dès qu'elle était aux fourneaux.

Ce jour-là, Saï aidait Gerda en pelant une montagne de navets. Hermeline était également présente dans la cuisine lourde de fumée. Contrainte à garder l'anonymat, la jeune princesse ne bénéficiait d'aucun privilège lié à son statut. Après avoir passé deux mois cachée dans une ferme, elle s'en accommodait parfaitement.

— Comment va votre ami tout plein de poils ? demanda Gerda.

Elle triait des feuilles de choux sur une grande dalle de pierre polie.

— Il est sorti de l'infirmerie, répondit Saï. Sa blessure est presque guérie.

— Pourtant, tu continues à y aller souvent, fit remarquer Hermeline.

— Ah oui... J'y apprends pleins de choses intéressantes.

Embarrassée de dévoiler son jardin secret, Saï plongea le nez sur ses navets. Si la culpabilité l'avait tout d'abord poussée à de fréquentes visites à l'infirmerie pour aider à soigner Kaolan, c'était la curiosité qui l'avait poussé à continuer. Le guérisseur, un homme bienveillant d'une soixantaine d'années, appréciait sa compagnie, et avait commencé à lui expliquer les gestes qu'il faisait et les substances qu'il utilisait. Pour Saï, qui avait toujours craint de ne rien apporter au groupe, c'était tout un univers de possibilités à explorer qui s'ouvrait à elle.

— Kaolan va beaucoup mieux, dit Hermeline en prenant un des couteaux qui pendaient au mur. J'ai vu qu'il fait partie des sentinelles qui montent la garde à l'extérieur. Je trouve ça rassurant qu'il s'en charge.

Gerda hocha la tête.

— Et ça lui permet d'échapper à la curiosité qu'il cause partout sur son passage, il doit trouver ça pesant, ajouta-t-elle.

Un piaillement interrogatif fit se retourner les trois femmes. Tempête venait de passer la tête par l'ouverture de la cuisine.

— Tiens donc, tu te rappelles que j'existe ? lui lança Saï. Tu as fini de mendier des restes et des câlins à toute la carrière ? Désolée pour toi mon vieux, aujourd'hui non plus, il n'y a pas de viande au menu.

Le petit griffon s'éloigna dramatiquement, la tête basse.

— Tempête accompagne toujours Kaolan quand il est de garde, expliqua Saï. Il a besoin d'air frais lui aussi, et de se dégourdir les ailes. Je l'ai prévenu d'être prudent. Il ne faudrait pas qu'il se fasse repérer.

Le silence retomba dans la cuisine, un silence rythmé seulement par le bruit des couteaux qui tranchaient les légumes pour le ragoût du soir.

— Je peux vous aider ? lança soudain la voix de Yerón sur le seuil.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now