8- "S'ils croyaient m'impressionner..." 3/3

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Eliz eut le plus grand mal à remettre de l'ordre dans ses idées en sortant du Palais Impérial. L'empereur lui avait donné de quoi espérer, mais là encore elle allait devoir prendre son mal en patience et attendre que les rouages de l'administration jultèque se missent en marche au sommet de l'État. Encore fallait-il qu'elle s'accroche à l'idée que l'empereur ne l'avait pas assurée de son intérêt dans le seul but de se débarrasser d'elle.

De retour à l'auberge, elle informa ses compagnons du résultat de l'audience. Yerón étant parti faire un tour en ville pour se sortir de l'étude compulsive de ses documents, Saï fut la seule à manifester son optimisme. Elle l'assura avec entrain qu'ils mettraient bientôt le cap sur Riven'th. Eliz sourit avec indulgence à son enthousiasme, mais elle était bien incapable de le partager.

– Les choses ne sont pas aussi simples que ce que tu sembles penser, dit enfin la rivenz en guise de conclusion. J'ai besoin d'aller prendre l'air et de réfléchir à la situation. D'écouter ce que les jultèques disent, aussi. Ne vous en faites pas pour moi, je rentrerai sans doute très tard. Quant à vous, restez ici, vous ne risquez rien. Et pas de bêtises surtout !

Sur un petit signe de main, elle quitta à nouveau l'auberge.

– Mais... murmura Saï désemparée.

En quête de soutien, elle se tourna spontanément vers la seule autre personne présente. Ce fut malheureusement sur le visage pour une fois décapuchonné de Kaolan que son regard s'arrêta. La jeune fille ouvrit la bouche, hésitante. Elle avait envie de parler de la situation, mais elle n'était tout de même pas tombée aussi bas ! Son regard se durcit, et elle se contenta de grogner avant de quitter la chambre à grands pas.

Yerón ignorant tout de cette frustration, sa surprise devant l'accueil qu'il reçut à son retour était aisément compréhensible. Saï avait visiblement décidé de l'empêcher de retourner s'enfermer dans sa chambre. Elle l'installa à une table tranquille et lui apporta à boire avant de lui relater le retour éclair d'Eliz. Charmée de l'attention et de la fraîcheur de la jeune fille, le pwynys se laissa faire.

Pendant la première partie de la soirée, Yerón dut s'employer à rassurer Saï sur le retour d'Eliz, même s'il pouvait aisément imaginer que la rivenz les ai laissés tomber pour s'occuper plus efficacement de la libération de son pays ; la conversation dériva heureusement assez rapidement et les deux jeunes gens en vinrent à se parler de leur vie respective, lorsqu'ils étaient encore sur leur île. C'était leur première occasion d'apprendre à se connaître.

Kaolan se joignit à eux à l'heure du dîner puis disparut aussi silencieusement qu'il était venu.

– C'est tellement dommage qu'il soit si taciturne, se désola Yerón. J'aimerais tant en apprendre plus sur lui et sur son peuple.

A ces mots, Saï se rembrunit instantanément, grommelant qu'il n'y avait franchement rien d'intéressant à savoir sur de pareils monstres. Ce fut donc sur les rapports entre le peuple de Saï et celui de Kaolan que le pwynys en apprit davantage, plus même probablement que ce qu'il aurait souhaité.

Mais la soirée avançait et les jeunes gens décidèrent d'aller se coucher. Lorsqu'elle fut devant la porte de sa chambre, Saï parut soudain porter sur ses épaules tous les tourments du monde.

– Yerón ? interrogea-t-elle misérablement. Est-ce que ça te dérangerait si on continuait à discuter un peu chez toi ? Sans Eliz, la chambre va paraître froide et vide, je n'arriverai jamais à m'endormir.

Le jeune homme cilla. Voilà une demande qui lui paraissait à la limite de la décence. Pourtant il aurait été bien en peine de déceler la moindre once de sous-entendu dans le regard naïf et innocent de Saï.

Poussières de TerresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant