3- "Une mission un peu trop simple." 1/3

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"C'était une mission très simple, peut-être même un peu trop."
Razilda de Grisval, espionne impériale.


Pwynyth dormait. Les rues de la capitale de l'île s'étaient vidées depuis longtemps et même les noctambules avaient regagné leur demeure. Quelques flambeaux sur les murs des tours et les lueurs aux fenêtres des insomniaques illuminaient seuls la nuit sombre. Excepté dans le quartier du port où l'animation nocturne ne déclinait qu'avec le lever du soleil. Des chants et des rires avinés s'élevaient encore des tavernes qui bordaient les quais.

Sur une éminence qui dominait les flots, un bâtiment imposant écrasait le port de sa masse. Il était couronné de tours carrées qui paraissaient surveiller le large. Le long de la façade qui surplombait la mer, une silhouette sombre entièrement vêtue de noir progressait avec agilité. La femme atteignit finalement la fenêtre d'une tour et installa tant bien que mal sa grande carcasse sur le rebord. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en un chignon très serré pour ne pas entraver ses mouvements. Les cinq toises de vide sous elle qui donnait directement au-dessus des vagues ne semblaient pas l'incommoder le moins du monde.

Elle avait dû saouler une bonne dizaine de gardes pour pouvoir localiser avec précision cette fenêtre. Jusque-là, monter sur les remparts puis gagner le toit de la Capitainerie ne lui avait pas posé de réels problèmes. Une bonne synchronisation lui avait permis d'éviter les sentinelles somnolentes. Cependant, il ne fallait pas se fier à cette apparente simplicité : les missions sur Pwynyth' étaient toujours les plus délicates et les plus hasardeuses – les plus excitantes, même, aurait-elle dit – car ces pouvoirs étranges qu'étaient susceptibles de posséder n'importe quel habitant de l'île de manière totalement imprévisible, pouvaient à tout moment la faire échouer dans ses entreprises.

Elle l'avait appris à ses dépends, lors de sa première mission, alors qu'elle avait cru malin de s'infiltrer par les égouts ; le garde qui l'avait découverte n'avait rien trouvé de mieux que de faire bouillir l'eau tout autour d'elle avant de sonner l'alarme. Cette fois-là, Razilda s'en était sortie de justesse. Mais la mésaventure lui avait servi, et elle préparait dorénavant ses opérations avec la plus extrême des minuties, n'ayant de cesse que de prévoir le moindre des grains de sable qui pourraient venir tout perturber.

Razilda sortit une fine tige métallique de sa manche. Après plusieurs tentatives, elle réussit à l'introduire entre les deux battants de la fenêtre. Dans un mouvement rapide, elle la passa plusieurs fois de haut en bas en forçant légèrement sur l'extrémité. La fenêtre céda enfin et s'ouvrit vers l'intérieur avec un bruit de charnières laissées à l'abandon.

L'oreille aux aguets, Razilda attendit un instant d'éventuelles réactions à ce bruit, avant de se glisser à l'intérieur et de repousser le battant. Elle se trouvait dans un couloir, c'était prévu. Il n'y avait personne en vue, c'était également prévu. Et si tout continuait à se dérouler de manière si positive, la porte qu'elle avait en face d'elle était celle du bureau du Gouverneur militaire de Pwynyth. Elle traversa le couloir jusqu'à la porte sans faire le moindre bruit. Se déplacer ainsi ne semblait lui demander aucun effort.

Razilda fouilla dans une sacoche étroitement fixée contre son ventre. Elle en sortit un trousseau de ce qui ressemblait à une demi-douzaine de clefs. Après avoir examiné la serrure, elle en choisit une qu'elle introduisit à l'intérieur. D'une main calme et assurée, elle la tourna lentement en se guidant aux cliquetis. La porte s'ouvrit comme s'il s'agissait de la clef de son véritable propriétaire. L'intruse se glissa dans la pièce et referma doucement derrière elle. Tout ceci n'avait pas pris plus d'une minute.

Le bureau du Gouverneur était une belle pièce lourde de meubles. En son centre trônait un bureau massif, assorti aux placards et aux étagères qui s'étendaient sur chaque mur. Razilda jeta à peine un regard aux piles de dossiers impeccablement classés qui occupaient la table. Elle se contenta de passer les mains sur son bois. Puis elle ouvrit les portes des placards, scruta les étagères. Partout des rouleaux de parchemins et des piles de paperasses. Elle passait ses mains partout sans se livrer à des recherches plus approfondies. Vu l'importance du document qu'elle recherchait, il ne devait pas se trouver ainsi en évidence.

Poussières de TerresWhere stories live. Discover now