Chapitre 96

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Thétanis fait tomber les deux côtés de la poignée de l'autre porte pile à cet instant, ce qui provoque le silence dans les lieux. Quelques secondes plus tard, un Contrôleur ouvre la porte à la volée et, peu désireuse d'attendre de se faire tuer la première, Thétanis réagit plus vite que lui. Elle lui plante directement son couteau dans le ventre. Du sang remonte dans la gorge de l'homme et celui-ci commence à s'étouffer, alertant tous les autres hommes présents. Ma mère et moi nous hâtons de rejoindre Thétanis et, ensemble, nous poussons le Contrôleur en train de mourir pour entrer dans le cœur même de l'église qui accueille des femmes pour la première fois.

Comme je l'avais deviné, le plafond fait plusieurs mètres de haut, tout comme les murs percés de grandes fenêtres remplies de vitraux aux couleurs fades, comme tout l'Enceinte. Tout au fond de la pièce, un pupitre trône sur une estrade en bois et, juste devant, plusieurs rangées de bancs sont alignées. Ainsi, c'est donc ici que les Hommes d'Avant se regroupent en compagnie du prêtre pour discuter de quel nouveau moyen ils vont mettre en œuvre pour asservir les autres. Au-dessus de l'estrade se trouve un balcon intérieur délimité par une rambarde en pierre joliment sculptée.

Je suis sûre que d'autres lâches s'y cachent...

Sur la gauche et sur la droite des rangées de bancs, de discrètes portes, en bois elles aussi, conduisent à d'autres pièces du bâtiment. Mais étant donné la surface de la pièce principale dans laquelle nous nous trouvons et la taille du bâtiment vu de l'extérieur, il y a fort à parier que ces deux portes mènent à des salles minuscules.

— Tuez-les une bonne fois pour toute, ordonne Siène à la vingtaine de Contrôleurs ici présents.

A peine termine-t-il sa phrase qu'une horde d'hommes s'abat sur nous. Du coin de l'œil, j'ai tout juste le temps de voir mon ex-mari fuir par la porte de droite en compagnie de quelques-uns de ses congénères. Rapidement et à contre-cœur, je suis obligée de me détourner de lui pour me concentrer sur les vingt hommes qui s'apprêtent à se battre contre trois femmes.

Quel courage...

Ma mère, Thétanis et moi nous positionnons instinctivement dos à dos afin de chacune faire face à des Contrôleurs et de ne pas leur laisser le plaisir de nous avoir trop facilement. Contre mon bras, je sens alors le corps de ma mère se mettre à trembler puis à se contorsionner de manière incontrôlée, ce qui stoppe net les Contrôleurs dans leur assaut. Ils ne comprennent pas ce qu'il se passe, je le lis dans leurs regards.

Moi, en revanche, je l'ai très bien compris.

Mon cœur s'emballe et, par réflexe, Thétanis et moi nous éloignons un peu de ma mère, croisant les doigts pour qu'elle ne perde pas l'esprit tout de suite ou nous sommes mortes. Des murmures d'incompréhension traversent le groupe d'hommes qui nous entourent jusqu'à ce que j'entende la robe de ma mère se déchirer d'un coup et que je ne vois les morceaux de celle-ci voler à hauteur de mon visage avant de flotter dans l'air jusqu'au sol. J'entends l'un des hommes régurgiter tandis que les autres écarquillent les yeux de terreur et qu'un autre ne finisse par hurler :

— Un mutant !

Le cœur serré et la peur au ventre, je me résous à me tourner pour regarder ma mère à mon tour. Ma lèvre inférieure est prise de tremblement quand je la vois peu à peu se transformer en arachnoïde sous mes yeux. Sa peau est livide et seuls ses sous-vêtements cachent ce qu'il reste de son intimité. Ses jambes sont devenues aussi fines que ses huit longs bras et elle se dresse maintenant sur tout ses membres, à la manière d'une araignée. Ma mère me dépasse à présent de deux bonnes têtes et je suis sûre qu'elle n'a pas fini de grandir. Posés au sol, tous ses interminables doigts se contractent, se contorsionnent pour certains, tandis que ses ongles deviennent des griffes.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now