Chapitre 52 (partie 2)

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Cela fait deux mois qu'on me frappe, qu'on me touche et qu'on m'écrase tous les jours, si bien que j'ai fini par m'habituer aux contacts. En effet, je me suis rendu compte qu'ils sont bien différents de ceux que j'avais avec Siène – ou plutôt qu'il avait avec moi –, que le respect mutuel est de mise, et je ne m'en offusque plus. C'est même devenu normal à présent. Cependant, même si je n'ai plus spécialement de problème avec le fait d'être touchée, le combat à mains nues est loin d'être ma discipline préférée, contrairement au maniement du fouet. Ça, c'est un art que j'apprécie particulièrement, un art que j'apprends très vite à maîtriser et pour lequel je suis déjà plutôt douée. Comme si ce long bout de cuir était le prolongement de mon bras, qu'il était connecté à mon cerveau.

Je vois et sens également mon corps se transformer jour après jour. Mes bras sont toujours fins, mais incroyablement ciselés, mes abdos se sont légèrement dessinés alors que je ne savais même pas que c'était possible, et mes jambes ont l'air d'avoir plus de formes qu'avant, tout en étant plus musclées. J'ai d'ailleurs dû aller échanger mes shorts et mes jupes, car je ne rentrais plus dedans. Shallan et Thétanis m'ont assuré que c'était normal, que c'était que les sessions de courses et de musculation que je fais tous les matins même le week-end portent leurs fruits. Il faut dire que ce n'est plus une corvée pour moi. J'adore courir au lever du soleil quand l'air est parfumé de mimosa. J'adore me sentir libre de mes gestes et constater qu'à présent, je contrôle mes membres inférieurs et donc mes foulées. C'est une sensation indescriptible.

Tandis que Jarem et une fille de notre équipe, à laquelle je ne parle pas plus que ça, prennent notre place sur le ring, je file chercher ma gourde dans mon casier. Nous sommes début septembre, mais l'été semble décidé à rester plus longtemps que prévu. Plus longtemps qu'on me l'a appris quand j'étais petite en tout cas. D'après les informations récoltées par Priétée, dans le Monde Libre, les chaleurs estivales durent de mai à fin octobre. Le reste du temps, nous avons droit au printemps. Apparemment, cela fait bien longtemps que l'automne et l'hiver n'existent plus. C'est dommage, dans nos livres d'Histoire, les couleurs de cette saison avaient l'air magnifiques.

J'avale quelques gorgées d'eau et en profite pour m'asperger le visage. Le goût salé de ma transpiration s'invite sur le bord de mes lèvres. C'est presque devenu une habitude pour moi d'avoir ce goût sur le bout de la langue.

Bientôt, mon ventre se met à gargouiller et je jette un coup d'œil à ma montre. Déjà 21 h 30. Les journées défilent à une vitesse affolante. À peine ai-je le temps de me faire cette réflexion que Shallan annonce :

— Bon travail, tout le monde, on se revoit la semaine prochaine. Profitez bien de votre week-end et revenez en forme.

— Ça sent le départ en mission arriver, murmure Thétanis en faisant mine de renifler.

Mon cœur accélère soudainement. Je savais que ça allait arriver à un moment ou un autre, mais je préférais ne pas y penser outre mesure.

— Déjà ? lui réponds-je en tentant de masquer mon appréhension.

— Tu l'as déjà entendu nous conseiller de profiter notre de week-end depuis que tu es là ?

Maintenant qu'elle le dit, non, effectivement. Il est même plutôt du genre à nous encourager à venir nous entraîner le samedi et le dimanche. Je secoue négativement la tête.

— Eh oui, parce qu'il ne le dit qu'avant qu'on nous envoie en mission, m'apprend-elle.

— On va tous partir ?

— Aucune idée, ça va dépendre des besoins. Dans tous les cas, suis ses conseils, ma sœur, et vois tous ceux à qui tu tiens, fais ce que tu aimes faire. C'est important avant un départ.

Je déglutis malgré moi. Comment suis censée profiter de quoi que ce soit si j'angoisse pour la semaine prochaine ?

— Tu viens avec nous au bar ce soir, Lénée ? me propose Yaram en essuyant la sueur de son front du revers de son bras.

— Pourquoi p... commencé-je avant d'être interrompue par Jarem.

Il revient de l'extérieur, vu son état, il a dû aller s'asperger entièrement d'eau.

— Tu peux aller au bar, mais sache aussi que quelqu'un t'attend actuellement dehors avec un panier-repas.

Je hausse les sourcils.

— Qu'est-ce que tu racontes ? De qui tu parles ?

Il émet un petit rire et m'adresse un clin d'œil. Le rouge me monte aux joues lorsque je comprends.

— Nolen ? soufflé-je.

— Lui-même,en chair et en os. Il avait une cagette de nourriture dans les mains et il m'amême semblé apercevoir un bouquet de fleurs. Je ne vois pas à qui d'autre ilaurait envie de les offrir. Je sais que je suis plutôt charmant, ajoute Jarem,mais je suis très loin d'être son genre !

Tu seras la MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant