Chapitre 20 (part 1)

134 28 6
                                    

À la fin de la cérémonie, Siène m'abandonne sans me prévenir, probablement pour retourner travailler. Quant à moi, je me retrouve dans un coin, à l'écart de la foule. Encore seule. Seule et honteuse. Comment ai-je pu envoyer cette tasse ? Comment ai-je pu accepter de le faire ? Certes, vu l'état de cette pauvre Satianée, mon coup n'a pas dû changer grand-chose, mais je n'aurais pas dû faire ça. J'aurais pu trouver une autre solution, faire semblant de m'évanouir par exemple. Mais non, j'ai préféré balancer cette tasse. J'ai préféré faire du mal à quelqu'un pour ne pas qu'on m'en fasse.

Je repense alors aux paroles de la vendeuse de robes. Celle qui nous a assuré qu'il vaut mieux que ce soient les autres plutôt que nous. Finalement, je ne suis pas si différente que ça des autres citoyens.

Cette pauvre femme n'avait absolument rien fait de mal...

Quand je ferme les paupières pour tenter de me changer les idées, ce sont des images de chairs en charpie qui me viennent. Des images imprégnées d'un rouge sanglant répugnant. Celui que j'ai moi-même aidé à faire couler.

Je me dégoûte.

Siène et Nourrice avaient raison : je ne suis qu'une bonne à rien. Qu'une idiote.

— Madame ? me sort alors une voix féminine de mes pensées.

Je cligne plusieurs fois des paupières pour revenir au moment présent.

— Oui ?

— Voulez-vous rentrer directement ou souhaitez-vous que nous nous promenions un peu avant ? me demande Alghéna qui vient de me rejoindre.

Je repense alors aux paroles de Siène. Je n'ai pas vraiment le droit de sortir si ce n'est pour faire des courses.

— Je... je ne crois pas que mon mari apprécierait.

— Oh, je vois... C'est dommage, il fallait que je passe acheter du pain. Mais ce n'est pas grave, je vous raccompagne et je ferai l'aller-retour ensuite.

Elle s'apprête à reprendre la route, mais je la retiens.

— Attendez ! Ne vous embêtez pas à faire cet aller-retour fatigant, je vous accompagne à la boulangerie.

Elle me sourit timidement.

— Et votre mari ?

— Acheter du pain, c'est faire des courses, non ? Et j'ai parfaitement le droit de sortir pour ça.

Alghéna n'insite pas et acquiesce. Et puis, ça fait une éternité que je ne suis pas allée dans une boulangerie. L'odeur du pain chaud me manque. Je n'ai peut-être pas le droit d'y travailler, mais on ne peut pas m'empêcher d'éviter du chemin inutile à ma gouvernante en acceptant d'y aller avec elle !

Nous passons les premières minutes de marche dans le silence le plus complet. Un silence lourd que je finis par briser pour ne pas sombrer dans l'obscurité de ma culpabilité.

— Alors, qu'avez-vous pensé de cette... cérémonie ?

Alghéna me jette un coup d'œil à la dérobée avant de répondre.

— Oh, heu... très... instructive, je dirais.

— Instructive ? ne puis-je m'empêcher de répéter.

Elle grimace légèrement.

— Je ne savais pas que certaines personnes osaient défiaient la loi à ce point... m'explique-t-elle.

— Oui, vous avez raison, je l'ignorais aussi. Heureusement que... le gouvernement est là pour nous protéger de ces personnes, dis-je pour que mon comportement ne lui paraisse pas étrange.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now