Chapitre25 (partie 1)

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Lorsque je me réveille le lendemain, je suis courbaturée de partout. Alghéna n'est plus dans l'alcôve et la porte de cette dernière est entrouverte. Je me remets difficilement sur pieds et sors de ma cachette pour m'étirer. J'ai mal partout, certes, mais j'ai étonnamment bien dormi. Savoir que Siène ignorait où j'étais, que pour une fois, j'étais quelque part où il ne risquait de me trouver a apaisé mon sommeil d'ordinaire plus agité. Une douce odeur de pancakes flotte dans la maison et me conduit jusqu'à la cuisine où ma gouvernante est en train d'en faire cuire. Lorsqu'elle remarque ma présence, elle me sourit aussitôt gentiment.

— Vous allez bien, madame ? Votre nuit n'a pas été trop inconfortable ?

— Si, beaucoup, mais j'ai adoré ça, plaisanté-je.

Moi, je suis d'humeur à plaisanter ?

Alghéna hausse les sourcils, elle aussi visiblement surprise par mon comportement de ce matin, mais ne dit rien.

— J'ai le temps d'aller prendre un bain pour me décrasser ou le petit déjeuner sera bientôt prêt ? la questionné-je alors, sentant l'odeur de ma propre transpiration ayant macéré toute la nuit.

— Faites-vous couler un bon bain, je vous apporterai un plateau à déguster sur place, déclare-t-elle en m'adressant un clin d'œil.

Se pourrait-il que cette Femme soit la pincée de chance qui saupoudre le désespoir de ma vie ? Comment aurais-je survécu ici sans elle ? Je préfère ne pas y penser. Je préfère ne plus penser à rien d'autre que la journée de tranquillité et d'apaisement qui m'attend. Je préfère même oublier momentanément que ce soir, Siène sera de retour et qu'il ne sera pas content. Non, rien ne viendra parasiter mon esprit aujourd'hui. Rien ne m'empêchera de profiter d'une journée dans ma vie.

Le bain bouillant dans lequel j'ai ajouté quelques gouttes d'huiles essentielles me réchauffe le corps autant que l'âme. Il me fait un bien fou. Et que dire des fameux pancakes d'Alghéna ! J'ai l'impression d'être sur un petit nuage. Je m'autorise à ne penser à rien d'autre qu'à l'instant présent. La caresse de l'eau sur ma peau. L'odeur de l'huile. La même que celle avec laquelle Nourrice m'autorisait à me parfumer quand nous sortions. Cette Femme m'a fait vivre un enfer et pourtant, je me surprends à être nostalgique quand je sens l'air qui embaume la pièce. Je suppose que c'est parce que mon ancien enfer était moins pire que celui que je vis actuellement. Ou bien parce que ce parfum me rappelle mon enfance, une période finalement pas si sombre que ça par rapport à aujourd'hui. Je soupire. Je ne dois pas penser à tout ça, seulement profiter du moment. Le savourer. Le marquer dans ma mémoire pour ne jamais l'oublier, pour m'y réfugier quand j'en aurai besoin.

Je me détends tellement que je finis par m'endormir, épuisée par mes premières semaines ici.

Peu avant l'heure de mon rendez-vous, Alghéna vient me réveiller en douceur. L'eau a beaucoup tiédi. Je me sèche, m'habille, puis elle m'aide à me maquiller. À 10 h 57, je suis fin prête.

Mais à 11 h, Priétée n'a toujours pas toqué chez moi.

Et je sais parfaitement que ce n'est pas normal. Je lance un coup d'œil tendu à ma gouvernante. Elle hausse les épaules d'un air désolé.

— Peut-être a-t-elle eu un contretemps ?

Je secoue négativement la tête. Nous savons toutes les deux que ce n'est pas le cas. Les Femmes sont toujours ponctuelles et Priétée est une personne exemplaire. Sans parler son mari qui a assuré au mien, hier soir, qu'elle était toujours à l'heure.

Ce n'est pas normal...

11 h 03. Mon amie n'est toujours pas là.

Alors que je suis assise sur le canapé de mon salon, mon mauvais pressentiment s'accentue.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now