Chapitre 49 (partie 2)

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Et ma confiance à cet instant me surprend moi-même. Je sais que ce n'est pas le poignard qu'il me faut comme arme de prédilection. Shallan réfléchit un instant en se frottant le menton avant de me dire de l'attendre près de l'espace dédié aux sacs de frappes. Des sacs de frappes bien différents de ceux que j'ai utilisés ce matin pour m'entraîner au combat à mains nues. Ceux-ci ressemblent plutôt à de gros blocs de pailles posés au sol et à de larges rondins de bois plus grands que moi.

Je m'exécute cependant et file me trouver un « sac » libre tout en essayant de rester à distance des coups portés par les autres infiltrés s'entraînant ici. Mon supérieur me rejoint quelques secondes plus tard avec plusieurs armes dans les bras, dont le fléau, une longue et fine lame ainsi qu'une petite hache que je trouve... étrangement mignonne.

Quelle personne saine d'esprit peut trouver une arme « mignonne » ? Je ne tourne plus rond.

— Attrape ça, dit-il en me lançant la hachette.

Mais je m'écarte pour la laisser tomber. Finalement, la voir d'aussi près et risquer de me couper un doigt en l'attrapant mal me la fait apparaître beaucoup moins mignonne. Shallan lève les yeux au ciel tandis que je me baisse pour la ramasser.

— Si tu voulais que je me coupe une main avant même d'avoir commencé à réellement m'entraîner, il fallait le dire tout de suite au lieu de me lancer ça comme ça et de lever les yeux quand je préfère sauver ma vie plutôt que risquer de mal attraper cette arme, commenté-je tout bas, mais suffisamment haut pour qu'il puisse m'entendre.

C'est lui qui m'a dit de dire à voix haute tout ce que je voulais, non ?

— Ce n'était pas là mon attention, détrompe-toi. Si je voulais ta mort, je ne t'aurais pas accepté parmi mes infiltrés. Je voulais simplement tester ta dextérité. Ma méthode n'était cependant pas la moins dangereuse, je te l'accorde. Maintenant, auriez-vous l'obligeance, votre majesté, de tester cette hachette sur ce gros rondin de bois ou cela est-il trop dangereux à votre goût ?

Je lui lance un regard noir, pas encore assez habituée à répondre pour trouver quoi que ce soit à répliquer, et acquiesce. Je prends la hachette à deux mains, fermement, la lève et l'abats le plus violemment possible sur le côté du rondin. Mais apparemment, ma violence ne suffit pas, car l'arme s'enfonce à peine et je l'échappe aussitôt, celle-ci allant s'échouer au sol dans un bruit de métal.

— OK, pas la hachette. Le katana, peut-être ?

Il me tend la longue et fine lame précédée d'un manche entouré de cuir brun. Je suis surprise de constater sa légèreté comparée au poids de la petite hache. Comme je n'ai aucune idée de comment m'en servir, je reproduis le même mouvement que précédemment. La lame s'enfonce plus facilement dans le bois et je ne la laisse pas tomber, mais je ne ressens pas d'affinité particulière avec cette arme.

— Je ne suis pas convaincue, annoncé-je en me retournant vers Shallan.

Il hoche la tête et me tend le fléau.

— Peut-être te faut-il une arme plus... bourrine dans ce cas. J'ai l'impression qu'avec toi, il ne faut pas se fier aux apparences.

— Je vais me tuer moi-même si j'essaie ce truc, je n'ai aucune idée de comment faire.

Il dépose les deux autres armes au sol et empoigne fermement le manche du fléau. Il commence à faire tourner la boule au bout de la chaîne et je m'écarte instinctivement de lui. Après quelques secondes à la faire tourner, il l'abat violemment sur le rondin et celui-ci craque sous son assaut.

— À ton tour, m'enjoint-il ensuite en tirant d'un coup sec sur le manche pour retirer la boule pleine de piques qui s'était encastrée dans le bois.

Peu assurée, je m'en empare et commence à tenter de faire tourner la boule de cette arme, faisant bien attention à garder mon corps et ma tête loin de celle-ci. Après quelques tours seulement, je dois arrêter, car les muscles de mon bras sont déjà épuisés. Je veux rendre l'arme à Shallan, mais celui-ci me fait non de la tête.

— Tu te reposes quelques secondes et tu réessaies, en la faisant tourner moins longtemps pour ne pas trop te fatiguer.

Je lâche le manche et remue mon bras dans tous les sens avant de m'emparer de nouveau du fléau. Cette fois, je ne le fais tourner que deux fois avant de l'envoyer en plein sur le tronc d'arbre. Je ne lui donne pas suffisamment de force pour qu'il s'enfonce dans le bois comme il l'a fait avec Shallan, mais assez quand même pour que les piques y laissent des traces avant que je ne laisse retomber la boule maladroitement en tentant de ne pas me blesser.

— Celle-ci pourrait être pas mal, mais pas tout de suite. Dans l'immédiat, il te faut une arme que tu pourrais apprendre à manier dès maintenant.

Shallan et moi retournons devant les étagères et je jette un nouveau coup d'œil à tous les objets étalés devant moi. Mon regard est une nouvelle fois attiré par le fouet.

Et si je prenais les Hommes d'Avant à leur propre jeu ? Et si je pouvais les punir de la même manière qu'ils m'ont punie ?

— Tu veux l'essayer ? me propose mon supérieur en voyant ce que j'observe avec insistance.

— Je crois que oui.

— Je ne pensais pas que tu voudrais l'essayer vu le traitement réservé aux femmes dans les dômes, mais si c'est toi qui le souhaites, c'est vrai que ça pourrait être une bonne option. Je suis simplement surpris, en général les femmes ont cette arme en horreur lorsqu'elles arrivent ici.

Sans demander mon reste, j'attrape le fouet et me dirige vers les blocs de paille. J'en profite pour palper le cuir de l'arme et la sensation fait courir un frisson le long de ma colonne vertébrale.

C'est donc ça que ressentent les Contrôleurs avant de nous châtier ?

Puis, je lève l'objet avant de l'abattre violemment sur le sol, comme j'ai déjà vu plusieurs hommes le faire. Le bout du fouet claque, émettant un bruit sec qui réveille la douleur à l'arrière de mes cuisses. Mais je sais que ce n'est que dans ma tête. Mes blessures ne me font plus si mal depuis quelques jours. Je fais claquer une nouvelle fois le fouet et la douleur sur mes cuisses diminue. Puis une troisième fois et elle disparaît totalement, ne laissant en moi qu'un désir brûlant de vengeance. Je lève une dernière fois l'arme et l'abats sur une botte de foin, la coupant presque entièrement en deux.

À côté de moi, j'entends Shallan siffler, impressionné.

— Je ne pense pas m'avancer en disant que tu as trouvé ton arme, ma chère Lénée ?

— Effectivement.

Il ne répond rien, mais j'aperçois une lueur étrange dans son regard et je ne saurais dire s'il s'agit d'admiration ou de peur. Peut-être un mélange des deux ?

Tu seras la MortOnde histórias criam vida. Descubra agora