Chapitre 43 (partie 1)

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Notre ascension nous prend un peu plus de temps que prévu. Si j'ai les jambes qui me brûlent déjà après avoir seulement gravi trois étages, Palkiar, quant à lui, galère depuis le premier. Chaque marche de passée semble le vider d'une quantité d'énergie colossale. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça finalement de lui proposer de venir... Je n'avais pas pris en compte son état.

Lorsqu'il me rejoint enfin au troisième étage, grimaçant et à bout de souffle, je le préviens :

— Je comprendrais si tu préférais redescendre pour le moment. Tu pourras toujours revenir une prochaine fois, quand tu iras mieux...

— Pas question. Tu m'as dit qu'il y avait quelque chose de beau à voir là-haut, et après avoir passé ma vie enfermé, j'ai soif de splendeur !

Une lueur vivace illumine son regard vert, et je devine que malgré sa souffrance, il ne lâchera pas l'affaire. Sa détermination me parle, me touche au plus profond de mon cœur. J'acquiesce et le laisse passer devant moi dans les prochains escaliers en colimaçon. Je ne me sens pas capable de poser mes mains sur lui pour le soutenir, mais je peux tout à fait rester dans son dos pour parer d'éventuelles chutes.

Je ne sais pas combien de temps nous mettons à arriver en haut de cette nouvelle tour de Babel, et je ne prends pas la peine de le vérifier ma montre. Je me contente de ce que m'offre ce moment : je me rends compte de la vive brûlure qui crépite dans mes cuisses et mes mollets, de mon souffle éreinté qui m'assèche la gorge, de mes mains qui s'engourdissent à force de pendre le long de mes jambes... de toutes ces sensations que je n'ai jamais eu le droit de ressentir jusqu'à aujourd'hui, car le sport m'était interdit. Ils disaient que c'était pour préserver nos corps pour les futurs bébés qu'ils accueilleraient, mais je suis persuadée, maintenant, que c'est simplement pour nous faire nous sentir faibles et nous retirer les capacités physiques de nous défendre. S'ils mettaient autant d'inventivité à aider les gens plutôt qu'à les manipuler pour les conditionner et en faire des esclaves qui ignorent qu'ils en sont, le monde n'en serait pas là aujourd'hui.

Toujours est-il que Palkiar et moi finissons par atteindre la volière, la gorge brûlante et trempée de sueur, mais nous y parvenons. Tièm, le vieil homme qui s'occupe des oiseaux, est aujourd'hui accompagné d'une femme d'une trentaine d'années aux cheveux et aux yeux pourtant étrangement blancs. Probablement ses mutations.

— Je n'ai jamais vu autant de personnes réunies ici en même temps ! s'exclame Tièm en nous voyant débarquer.

— À qui le dis-tu ! renchérit la femme. C'est rare que cet antre plein de plumes et de fientes attire des visiteurs...

— Lénée est une grande passionnée d'oiseaux, lui apprend-il, elle est déjà venue il y a quelques jours.

La femme hausse les sourcils, surprise, et me demande aussitôt :

— Et pourquoi ne fais-tu pas encore partie des dresseurs ? Je manque cruellement de personnel. À vrai dire, je suis la seule. J'ai besoin de toi ! Une fan de volatiles, c'était inespéré !

— Je suis désolée... mais j'ai déjà intégré un autre corps de métier. Je commence demain.

La femme lève les mains au ciel avant de les laisser retomber, visiblement déçue.

— Bon, eh bien, si un jour tu changes d'avis, viens me voir. Mon métier, bien que central pour notre communication, n'intéresse pas les gens. Ils se fichent des « piafs ».

— Moi, je les adore, murmuré-je. Mais pour des raisons qui me sont propres, j'ai préféré choisir les infiltrés.

— C'est très courageux et honorable de ta part. On sera amenées à travailler ensemble par la suite. Tous les courriers passent par moi et c'est moi qui dresse et entraîne les pigeons. Je m'appelle Yuliée, au fait, enchantée.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now