Chapitre 77

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En milieu de soirée, Tiaffa réussit à se libérer suffisamment longtemps pour venir nous apporter de quoi manger. Elle accueille tellement de clients ce soir qu'elle enchaîne les aller-retour entre le hall d'accueil, le grand salon de rencontre et les couloirs des chambres de travail afin de s'assurer qu'aucune des personnes sous sa responsabilité n'est en train de crier au secours, ce qui d'après elle arrive régulièrement. Si les Hommes qui viennent ici se montrent un minimum respectueux – du moins, autant que peut l'être un Homme lambda dans l'Enceinte –, d'autres pensent que les catins ne sont que les objets de leur plaisir, qu'il n'y a aucune femme avec des émotions, des sentiments et des sensations à l'intérieur et qu'ils peuvent leur faire absolument tout ce que leurs esprits détraqués et pervers peuvent imaginer.

On a tout juste le temps de la mettre au courant de son excursion de ce soir qu'elle doit déjà repartir, non sans nous avoir dit avant que nous devrions passer par l'entrée du Bordel, la seule qui mène à la surface, et qu'il faudra qu'on se fasse passer pour des travailleuses de Basse Classe pour passer inaperçue. Ce qui implique de faire bien attention à ne pas allumer les lumières et à toujours rester dans l'ombre, la tête bien baissée, afin qu'on ne remarque pas nos différences physiques.

Alghéna s'est réveillée à temps pour le repas, comme sortie des songes par l'odeur de la nourriture. Une odeur pourtant bien fade à côté des plats épicés aux saveurs prononcées que l'on mange à Sidonia. Si la présence soudaine de Shallan et Jarem la d'abord surprise, elle est très vite passée au-dessus. Elle a la chance d'avoir un mari qui la traite bien, qui l'aime et avec lequel elle peut être elle-même, elle sait donc parfaitement que tous les hommes ne sont pas connards invétérés. Quand je lui ai appris que ce soir, ce seraient les garçons qui allaient veiller sur elle, tout ce qu'elle a dit, c'est :

— Vous allez vraiment aller seules rentrer par effraction chez Siène ?

— T'en fais pas, elles savent très bien se défendre, lui avait appris Jarem. L'entre-jambes de Shallan doit encore s'en souvenir.

Ce qui avait fait rire tout le monde sauf le concerné qui s'était contenté d'afficher une mine blasée et Alghéna qui avait été gênée par tant de familiarité.

— Et puis, on ne rentrera pas par effraction, avais ajouté, nous aurons la clé.

Aux alentours de minuit, Thétanis par changer son pansement et remettre de l'onguent. Celui-ci est particulièrement efficace sur la douleur, d'après les dires de ma collègue. Quand c'est chose faite, elle revient dans la chambre et nous nous préparons. Nous enfilons nos shorts et nos bandeaux sous nos peignoirs, peu désireuses de nous retrouvons presque nues à l'extérieure. Je retrousse le bas de mon short le plus haut que je peux afin que celui-ci ne se remarque pas pendant que nous sommes encore dans le Bordel. Au cas où nous croiserions des clients. Je m'équipe également de ma montre et entoure ma taille de sa chaîne, puis coince un poignard dans l'élastique de mon short sous le regard ahuri d'Alghéna. Je termine par enrouler mon fouet par-dessus la chaînette de ma montre et faire un nœud pour qu'il tienne en place. Lorsque je suis prête, j'enfile de nouveau mon peignoir. Un sentiment de sécurité s'empare alors de moi. Ça fait du bien de ne plus se sentir sans défense en milieu hostile. Thétanis, quant à elle, a également coincé plusieurs poignards entre l'élastique de son short et sa peau.

— On est bien mieux comme ça ! s'exclame-t-elle une fois prête.

Alghéna s'approche de nous d'un air inquiet accentué par ses cernes.

— Vous avez une heure de marche pour rejoindre la maison. Voilà la clé. Faites bien attention à vous. Siène est un sadique, s'il vous tombe dessus...

— On le castre, lui répond aussitôt Thétanis.

Alghéna, gênée, ne sait pas quoi lui répondre et se contente d'acquiescer, pas encore totalement sûre que nous en soyons capables.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now