Chapitre 21

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Pas à un seul moment du reste de ma journée je n'ai réussi à ne plus penser à ce qui doit avoir lieu ce soir. Je ne peux plus y échapper. Cela fait déjà plus d'une semaine que c'est le cas, ça ne peut plus durer, je le sais bien. Pas sans conséquences regrettables que je souhaite éviter, en tout cas.

J'ai tenté de jouer du piano pour apaiser mes angoisses, mais ça n'a pas fonctionné. Les fausses notes ont fusé, mes oreilles ont saigné et pourtant, j'ai continué de jouer, avec l'espoir que le bruit crissant de ma musique finirait par m'empêcher de penser. Cela a été un échec. Tout ce que j'y ai gagné, c'est un abominable mal de crâne.

À 19 h, je quitte ma chambre pour rejoindre le salon. Heureusement, une seule assiette a été dressée à table. Siène n'est pas encore rentré. Je m'installe et Alghéna m'apporte un plat de poulet accompagné de pommes de terre. D'ordinaire, l'odeur de la volaille rôtie suffit à me faire saliver, mais ce soir, il n'en est rien. Je me force cependant à avaler plusieurs bouchées du repas que ma gouvernante a très certainement dû mettre du temps à préparer. Malheureusement, j'ai beau mâcher, mes papilles ne semblent pas capter le goût de ce que je mange.

— Vous allez bien ?

— Hein ? Heu... oui, oui, ça va, réponds-je en tentant un sourire.

Et même avec tout l'entraînement que j'ai eu depuis que je suis petite, je sais sans même me voir que le résultat n'est pas concluant. Mais Alghéna ne m'en tient pas rigueur. Elle débarrasse mon assiette à moitié entamée et me propose quand même un dessert.

— Il reste des chouquettes, je vous les apporte ?

Je réfléchis, puis secoue négativement la tête.

— Vous savez, demain elles auront durci et seront beaucoup moins bonnes, ajoute-t-elle.

— Alors, terminez-les pour moi. Ce soir, je n'ai vraiment pas faim.

— Vous savez très bien que je n'en ai pas le droit...

— Mangez-les en cachette. Si un jour quelqu'un doit vous dénoncer, soyez sûre que ce ne sera pas moi.

Nous nous fixons un instant avant qu'elle me réponde :

— Je n'en doute pas, madame. Et je sais aussi ce qui hante actuellement vos pensées, mais vous priver de nourriture n'arrangera rien, bien au contraire.

Je soutiens encore quelques secondes son regard compatissant avant de baisser le mien. Puis une idée me traverse, comme une illumination, et je me redresse aussitôt.

— Vous avez déjà fait votre devoir conjugal, n'est-ce pas ? l'interrogé-je alors.

Ses yeux s'écarquillent, mais elle acquiesce.

— Alors, peut-être pouvez-vous m'en dire plus que mon ancienne Nourrice à ce sujet ! J'ai... j'ai tellement besoin de savoir.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now