Chapitre 74

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Je me précipite vers les deux femmes et prends Alghéna dans mes bras, ce qui provoque la surprise de celle-ci. Une surprise qui ne suffit cependant pas à faire taire ses sanglots et les soubresauts de son corps.

— Je suis désolée, tellement désolée de t'avoir abandonnée, m'excusé-je, les larmes aux yeux.

Je m'écarte un peu d'elle pour qu'elle puisse enfin voir qui vient de la prendre dans ses bras. Elle fronce les sourcils quelques secondes, sans comprendre, avant que son regard ne s'éclaire d'un coup. Il faut dire que je n'ai plus rien de la femme qu'elle a connue. Mes cheveux sont courts, mon corps musclé et ma peau et mes yeux sont devenus bicolores. Je ne peux pas lui en vouloir de ne pas m'avoir reconnue immédiatement.

— Lénée... ? me demande-t-elle sans trop y croire.

Elle est complètement perdue, je le lis sur son visage.

— Mais... que... comment... comment c'est possible ? J'ai assisté à ta mise à ! Je t'ai vue être jetée hors du dôme !

Je lui offre un sourire triste.

— Il y a malheureusement beaucoup de choses que tu ne sais pas... Que beaucoup d'habitants de l'Enceinte ne savent pas.

Elle essuie ses larmes de sa frêle petite main, puis tente d'arranger ses cheveux pour dégager son visage. Son état est pire que ce que je pensais. Je ne sais pas ce qui a pu se passer pour que Siène en arrive à traiter sa gouvernante ainsi. Tous les os du visage d'Alghéna sont saillants, ses cernes creusés et son teint blafard.

— Elle fout quoi Thétanis ? m'interroge soudain Tiaffa en regardant en direction du couloir.

Je me retourne à mon tour et aperçois mon amie adossée au mur, en train de fixer intensément celui d'en face. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Ses poings serrés tremblent.

— Thétanis ? l'appelé-je.

Comme elle ne bouge pas, je la rejoins. Une fureur que je ne lui connaissais pas habite les traits de son visage.

— Thétanis ! répété-je en lui secouant doucement le bras.

Elle sursaute, ce qui la fait sortir de son état second.

— Ça va ? m'enquiers-je.

— C'était lui... souffle-t-elle.

— Oui, c'était lui, c'était mon ex-mari...

Elle écarquille les yeux.

— Ton ex-mari ?

Je me tais quelques secondes pour l'observer.

— Oui, Siène, ajouté-je ensuite.

Thétanis part alors d'un éclat de rire sans joie. Tiaffa et moi échangeons un regard interloqué. Mon amie a-t-elle perdu la tête ?

— C'est pas un biologiste, m'apprend-elle une fois calmée. C'est même très loin d'être un putain de !

— Si... j'ai vécu avec lui, il est biologiste.

— Il pouvait rentrer très tard le soir, n'est-ce pas ? devine-t-elle. Qu'est-ce qu'un foutu biologiste peut bien avoir à faire au travail si tard le soir, Lénée ?

Je vais rétorquer quelque chose, mais les mots de mon amie font leur chemin dans mon esprit et j'abstiens. Je ne m'étais jamais interrogée à ce sujet, préférant les jours où il rentrait tard et où je pouvais avoir le temps de m'endormir que les jours où il rentrait tôt.

— Qu'est-ce qu'il fait alors s'il ne passe pas son temps à cloner des tomates ? la questionné-je.

— C'est un espion spécialisé dans l'art de débusquer des résistants. C'est lui qui a fini par me prendre sur le fait, un jour, et qui m'a dénoncée. Et si tu veux mon avis, je ne pense pas que ce soit une coïncidence qu'il ait tout fait pour finir marié à la fille de Ménée, y compris dénoncer son autre prétendant.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now