Chapitre 19

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— Vous avez été déclarée coupable de traitrise à l'Enceinte. Votre crime est le suivant : partage de ressources nourricières avec des Sous Classes, et ce, à plusieurs reprises et malgré une première condamnation de laquelle la clémence de votre mari vous a sauvée. En conséquence, Satianée Galva, l'Enceinte vous condamne aujourd'hui à la sentence suprême : devenir la Mort.

La Femme en question est exposée devant une grande partie des citoyens du dôme, attachée debout par les poignets à une structure en bois. Deux Contrôleurs se tiennent en plus à ses côtés. Elle doit être à peine plus âgée que moi. Son regard est éteint, elle a perdu tout espoir. Elle finit par laisser tomber sa tête, incapable de soutenir tous ces regards accusateurs sur elle, et ses longs cheveux blonds lui tombent devant le visage en un rideau protecteur. Même de là où je suis, je peux voir ses jambes trembler. Seuls les liens autour de ses poignets la maintiennent debout.

J'ai de la peine pour elle. Je ne parviens pas à détacher mon regard de sa personne. « Partage de ressources nourricières avec des Sous Classes », je ne savais même pas que certains se risquaient à faire ça. Que certains avaient assez de cœur pour penser à faire ça.

— Pour prospérer, l'Enceinte a besoin que tous ses citoyens respectent les mêmes règles. La répartition des denrées est faite de manière juste, en fonction de la place qu'occupe chacun dans la société, poursuit le prêtre. Et chacun doit rester à sa place. Ce n'est pas à une simple citoyenne de décider à qui revient quels aliments et en quelle quantité. Si les Femmes avaient cette capacité, ça se saurait depuis le temps, ne peut-il s'empêcher d'ajouter, amusé par sa propre blague.

Un rire général s'élève de l'assemblée. Uniquement des rires d'Hommes. Non seulement les Femmes n'ont pas le droit de rire aussi fort, mais en plus, laquelle d'entre nous aurait envie de s'esclaffer à une telle déclaration ?

J'entends le rire de Siène plus fort que les autres, probablement car il est juste à côté de moi. C'est un son rauque qui m'arrache une grimace et me vrille les tympans. Je déteste le bruit qu'il fait. Comment un simple rire peut-il déclencher autant de dégoût en moi ? Et surtout, comment peut-on rire du sort de cette pauvre Femme, trop altruiste pour notre société ?

Le prêtre lève de nouveau les bras pour imposer le silence.

— Faites venir le Raseur, ordonne-t-il ensuite.

C'est quoi ça encore ?

C'est alors qu'un Homme immense, vêtu lui aussi d'une veste et d'un chapeau melon pourpre, mais avec une petite sacoche autour de la taille en plus, arrive, escorté par deux Contrôleurs. Il passe devant toute l'assemblée, la tête haute, le visage fermé, et se dirige vers celle qui va devenir la Mort. A peine arrivé derrière elle qu'il lui empoigne les cheveux et lui relève violemment la tête, lui arrachant un cri.

— En trahissant l'Enceinte, Satianée Galva s'est aussi trahie elle-même. Elle n'a pas su rester à sa place et a bafoué son statut de Femme. En punition avant la Mort, nous la priverons du symbole de sa dignité qu'elle a déjà perdue, déclare le prêtre avant d'autoriser d'un signe de main le Raseur à faire ce pour quoi il est là.

Il lâche alors les cheveux de la femme pour fouiller dans sa sacoche et en ressort quelque chose de métallique que je n'arrive pas bien à voir d'où je suis. Il le lève ensuite bien en évidence au-dessus de sa tête et, de ses doigts, fait s'entrechoquer les deux parties de l'objet. Des ciseaux ? Le Raseur empoigne de nouveau tous les magnifiques cheveux de la femme et tire fort dessus. Plusieurs fois. Comme pour s'amuser avec le prisonnière déjà au bout du rouleau. Un élan subit de haine me traverse. L'espace d'une seconde, j'ai envie de lui arracher les ciseaux qu'il tient et de les lui enfoncer dans son intimité. Juste pour le bonheur de ne jamais croiser sa descendance. Juste pour le plaisir de voir ce sadique souffrir. Puis je me reprends. Ce serait me rabaisser à son niveau que de laisser mes pulsions destructrices s'exprimer. Et je suis une femme. Les femmes sont calmes et mesurées.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now