Chapitre 40 (partie 1)

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Lorsque je reviens devant le Centre d'entraînement, je suis en avance de dix minutes. On ne me reprochera pas mon manque de ponctualité ! Quand je pousse la porte d'entrée du bâtiment, je m'attends à trouver les lieux déserts, mais ce n'est pas le cas. Ils sont encore des dizaines à envoyer des couteaux, à tirer à l'arc et j'en passe. Devrai-je être comme eux si par miracle je suis sélectionnée ? Je dois avouer que ce n'est pas quelque chose qui me fait plus envie que ça, surtout maintenant que j'ai découvert la nourriture particulièrement goutue du Monde Libre. Sauter un repas ne me fait pas du tout rêver...

Je secoue la tête et prend une grande inspiration. Ce n'est pas le moment de penser à manger. D'ici quelques minutes, je vais me retrouver face à quatre visages moqueurs qui ne me croient absolument pas capable d'intégrer leurs rangs, et je me dois de les faire changer d'avis. Il le faut.

Arrivée devant la porte de la salle qu'on m'a indiquée plus tôt, je m'arrête et prends le temps de fermer les yeux et de respirer pour tenter de m'apaiser. Je dois leur faire bonne impression. Il ne peut pas en être autrement. Puis, je toque trois fois et tends l'oreille. Pas de réponse.

Ah non ! Ça ne va pas recommencer ! Je ne vais pas encore me retrouver à angoisser devant une porte close en me demandant s'il vaut mieux que je rentre ou que j'attende devant !

Peu désireuse de rejouer la scène précédent ma rencontre avec Siène, je décide, cette fois, de prendre les choses en mains et d'abaisser la poignée qui me fait face. Les quatre supérieurs sont déjà là et tous leurs yeux sont posés sur moi quand je passe le seuil et que je referme derrière moi. Soudain, l'un des hommes, celui qui avait les jambes nonchalamment croisées sur son bureau cet après-midi, se tourne vers Caliée et lui lance :

— J'ai gagné le pari.

La grande blonde lève les yeux au ciel, agacée. L'homme lui tend sa main ouverte, elle y balance une sorte de bijou et celui-ci referme sa main, tout sourire, pour ranger l'objet dans sa poche.

— Approche-toi, ma sœur, m'autorise un troisième supérieur, une femme d'une quarantaine d'année aux longs cheveux déjà blancs.

Je m'exécute et rejoins la petite barrière en bois qui se trouve à un mètre devant les sièges des supérieurs. Je pose mes mains sur le bois irrégulier de la rambarde, pour me donner du courage, et lève le regard les quatre personnes présentes en faisant fi de ce qui s'est passé à mon arrivée dans la pièce.

— Bienvenue à toi, Lénée [insérer son nom inventé]. Nous te remercions de l'intérêt que tu portes aux équipes d'infiltration et aux missions qu'elles effectuent, poursuit la même femme. Comme tu le sais déjà, tout le monde ne peut pas faire partie des infiltrés. C'est un métier qui demande abnégation, entraînement, force physique, mais aussi mentale. Ce n'est pas fait pour tout le monde et je pense que tu es assez intelligente pour avoir compris que ton profil, pour l'instant, ne nous convainc pas totalement. Qu'as-tu à dire pour nous faire changer d'avis ?

C'est ça, leur entretien ? Eux qui partent avec un a priori et moi qui doit trouver toute seule quoi dire pour les faire changer d'avis ? N'ont-ils pas des questions plus poussées à me poser ? Quelque chose qui pourrait m'indiquer sur quoi axer mes paroles. J'en perds mes mots. Cette simple question, basique ou vague, ne m'inspire rien et je me retrouve avec l'esprit vide. Ce qui, pourtant, ne m'arrive que très rarement. Moi qui d'ordinaire pense trop, aujourd'hui que cela pourrait m'être utile, c'est le calme plat. Mon pied commence discrètement à taper le sol à un rythme régulier et mes mains tournent légèrement autour de la branche formant le haut de la barrière en bois.

— Oh... heu... parviens-je à prononcer.

Bravo, Lénée ! Tu ne risques pas d'aller loin comme ça !

— Ma sœur, tu penses bien que ce n'est pas avec des bégaiements que tu vas nous faire changer d'avis, lâche Caliée, le menton posé sur son poing.

Mon rythme cardiaque s'accélère. Mes ongles s'enfoncent dans le bois.

Pour une fois que ce n'est pas dans mes paumes de mains...

Les secondes passent et toujours aucun mot ne me vient. Le silence devient assourdissant à mes oreilles.

— Je... ne sais pas ce que vous attendez de moi, je ne sais donc pas ce que je pourrais dire pour vous faire changer d'avis, avoué-je alors, ces paroles étant les seules que veulent bien sortir.

Le quatrième supérieur daigne alors m'aider un peu.

— Tu es frêle. Qu'est-ce qui nous dit que tu supporteras l'entraînement ? Que tu supporteras les coups qu'on te portera ? Que tu ne tomberas pas en larmes à la première égratignure ?

— J'ai déjà reçu bien pire que des coups, j'ai déjà enduré bien pire que des égratignures, et je suis toujours là. Quant à savoir si je supporterai l'entraînement ou pas, personne ne peut le savoir à l'avance, on ne le saura que si j'essaie.

— Ta dernière phrase n'est pas très rassurante, intervient Caliée.

Et tout ce que j'ai dit avant, elle s'en fiche ?

— Pourquoi ne pas te concentrer uniquement sur les deux premières dans ce cas ? lâché-je malgré moi avant d'écarquiller les yeux, surprise autant que choquée par ma propre impertinence.

Elle hausse les sourcils et l'homme à sa droite, celui qui a gagné un pari, esquisse un léger sourire en se frottant le menton.

— Je ne savais pas qu'on apprenait aux femmes à répondre maintenant dans les dômes, commente la quarantenaire.

Pourtant, elle ne paraît pas outrée par mon comportement, simplement... curieuse. Ce qui me rassure.

— On ne nous apprend qu'à nous taire, répliqué-je.

— Tu as visiblement mal appris tes leçons dans ce cas, rajoute Caliée.

Tu seras la MortWhere stories live. Discover now