Nous quittâmes Forks tôt le lendemain matin après être passés chercher Bella chez son père. Les au revoir de Charlie furent tels que je les avais anticipés.
« Eh bien, Bella, ne t'empiffre pas trop de saucisses et de purée de pommes de terre pendant ton séjour là-bas. »
« Merci, Papa. Tu vas me manquer. »
« Je suis vraiment fier de toi, Bells. Travaille fort. »
Elle l'étreignit, un peu hésitante. Je vis les larmes dans ses yeux alors qu'elle se dirigeait vers la porte que je tenais pour elle.
À contrecœur il jeta un regard dans ma direction. « Passe une bonne année d'études toi aussi, Edward. »
« Merci. Je suis sûr que nous allons passer une très bonne année. » Je pouvais entendre l'effort qu'il faisait. Depuis que nous avions annoncé nos fiançailles, il avait décidé d'essayer de m'apprécier, toutefois je voyais bien le défi que ça représentait pour lui. Il me percevait comme le garçon qui lui volait sa petite fille pour l'emmener au loin. Je comprenais son inquiétude. C'était vrai que j'emmenais sa fille au loin – et lorsqu'elle serait comme moi, ce serait comme si je la lui volais pour toujours…
Notre vol décollait de l'aéroport Sea-Tac à Seattle. Dumbledore s'était arrangé pour que le billet supplémentaire laissé par Hagrid soit changé, et il avait ajouté des sièges pour les autres membres de la famille, tous en première classe, à destination de Londres.
« Si l'école est au sud d'Édimbourg, pourquoi atterrir à Londres ? » Demanda Jasper, son esprit ne prenant jamais de pause, analysant toutes les possibilités.
« Nous allons rencontrer Harry Potter et quelques autres et assister à la Coupe du Monde, » expliqua Carlisle en prenant soin de ne pas faire de références spécifiques à l'existence des Sorciers.
« La Coupe du Monde ! » S'exclama Emmett avec enthousiasme, puis avec confusion il ajouta, « mais ce n'est pas le moment de la Coupe du Monde. »
« Pas cette Coupe du Monde là, » poursuivit Carlisle. « C'est pour un sport qu'ils pratiquent. Albus m'a dit de vous dire 'Vous verrez.' »
Bella laissa échapper un rire qui ressemblait à une quinte de toux. Je la questionnai du regard.
« C'est juste que, la première fois que je vous ai regardés jouer au baseball, c'est ce que tu m'as dit. C'est drôle de l'entendre dire à votre intention. Pour une fois je ne suis pas la seule dans l'obscurité. » Elle rit.
Bientôt l'avion décolla et nous nous retrouvâmes dans les airs, volant vers l'Angleterre. Par chance il s'agissait d'un vol direct sur British Airways, ce qui facilita le voyage pour notre groupe de huit, surtout en considérant tous les bagages que nous transportions, gracieuseté d'Alice. Ça nous donna également du temps pour parler, Bella et moi. Notre famille était la seule qui voyageait en première classe et nous pouvions compter sur la discrétion des autres pour ne pas écouter notre conversation, aussi je décidai que c'était le meilleur moment pour continuer notre discussion de l'autre jour.
« Alors, Bella, » commençai-je, soudainement inconfortable. Je fixai mon regard sur sa main gauche avec laquelle je jouais distraitement, notant la bague qui signifiait tellement pour moi. Avec un pincement de cœur je réalisai qu'elle allait devoir l'enlever avant notre rencontre avec les sorciers. Je pris une grande respiration et poursuivis, « Est-ce que tu as réfléchi plus avant à ce qu'il convient de faire concernant notre arrangement ? »
Elle me lança un regard perplexe. « Je pensais que tout était finalisé. N'allons-nous pas rester dans ce château ? »
« Je pensais à notre autre arrangement… Carlisle a offert de faire une cérémonie civile, tu sais… donc c'est une option. »
Elle soupira. « Je vois – tu fais référence à ça. » Elle semblait contrariée.
J'entendis Emmett tousser pour couvrir son rire deux rangées en avant de nous. Bon d'accord, certains membres de ma famille n'étaient pas discrets du tout… « Nous avons eu une bonne discussion sur le sujet avant, et nous avons tous les deux eu du temps pour réfléchir à propos de tout ça, alors j'ai simplement pensé que nous pourrions en parler encore pendant que nous avons tout ce temps de vol devant nous. »
« Oh, » fit-elle. « Alors à quoi as-tu pensé ? »
« Eh bien, » dis-je, « une année ne me semblait pas une longue période de temps en comparaison… » Elle se raidit mais pressa ses lèvres ensemble pour éviter de m'interrompre. « … Mais plus récemment, ça m'est apparu comme une éternité. »
Emmett fut pris d'une autre fausse quinte de toux.
« Peut-être que nous devrions poursuivre cette conversation plus tard, » décidai-je en me levant, tendant le bras pour atteindre Emmett à qui j'administrai une taloche avec le magazine fourni par la compagnie aérienne.
« Je vais arrêter de faire le con, » dit-il en étouffant son rire. « C'est promis. »
« Aussi bien en parler tout de suite, » répliqua Bella. « Ce n'est pas comme si nous allions avoir plus d'intimité dans la maison… » Elle réfléchit pendant une minute et se lança. « Écoute, je ne veux pas que tu penses que j'ai changé d'idée à propos de ce que j'ai accepté l'autre fois – attendre, comme c'était entendu avant que ce… voyage… n'entre en ligne de compte. Je sais que c'est important pour toi, et je veux tout faire comme il convient – ceci et le mariage… C'est juste que, lorsque j'ai donné mon accord, nous allions concrétiser nos plans en août, pas l'an prochain. Une année m'apparaît comme une éternité à moi aussi. »
Je comprenais ce qu'elle voulait dire. Je ne la forcerais pas à s'en tenir à notre engagement antérieur. Les choses avaient changé – deux mois comparés à un an, c'était le jour et la nuit. J'espérais seulement que nous puissions arriver à un compromis. « Alors, comme je le disais tout à l'heure… Carlisle a offert d'effectuer une cérémonie civile. »
« NON ! » Hurla une voix cristalline dans la rangée devant nous.
« Alice, tu ne fais pas partie de cette conversation, » l'avertis-je.
Une petite tête de lutin surgit au-dessus du siège et me lança un regard noir. « Comment oses-tu même envisager une telle chose, Edward ? Quel genre de frère es-tu, au juste ? »
« Alice, » répétai-je en signe d'avertissement. Jasper la tira vers lui pour qu'elle se rasseye. Elle avait la mine boudeuse d'une enfant à qui on viendrait de refuser une deuxième part de gâteau. Je sentis l'influence apaisante de Jasper alors qu'il tentait de la calmer pour qu'elle nous laisse avoir cette conversation incroyablement gênante.
Emmett choisit cet instant pour se lever et aller aux toilettes. Qu'est-ce qu'il faisait ? Pourquoi aurait-il besoin d'une toil… oh… Bella leva la tête en réponse à son toussotement pour s'éclaircir la gorge tandis qu'il tenait la porte accordéon des toilettes en nous faisant signe d'y entrer comme un portier d'hôtel nous montrant notre chambre. Bella rougit et je le fustigeai du regard.
« Emmett, reviens ici et laisse-les tranquilles, » siffla Rosalie. Il retourna rapidement à son siège, l'air chagriné. Nous ne l'entendîmes plus durant le reste du vol.
Je ne savais plus comment retourner à notre discussion, ni même si je le voulais. Je penchai mon siège et regardai par le hublot, rassemblant mes pensées. J'entendis le faible grattement d'un crayon sur du papier à côté de moi. Bella devait avoir abandonné l'idée de discuter elle aussi et elle était en train d'écrire à sa mère. Cependant, quand finalement je me retournai vers elle, je vis ses yeux briller d'émotion et m'aperçus que l'enveloppe m'était adressée.
Je fixai tour à tour Bella et l'enveloppe avec étonnement. Elle la poussa dans ma direction alors qu'une larme s'échappait de son œil et coulait sur sa joue. Mon cœur depuis si longtemps sans vie se mit à me faire mal. Je tendis la main pour balayer cette larme solitaire, et me penchant davantage j'embrassai son visage. Elle était la plus stupéfiante des créatures. Elle poussa l'enveloppe avec un peu plus de force et murmura, « Prends-la avant que je ne change d'idée. »
J'ouvris l'enveloppe pour lire sa note.
Edward,
Je t'aime plus que tout au monde. Je t'aime plus que ma vie. Je veux être avec toi pour toujours – dans cette vie et dans la prochaine. Je sais que tu crois en cette possibilité.
Je ne sais pas ce que nous réserve cette prochaine année, mais je sais que peu importe ce que nous devrons affronter, nous le pourrons si nous sommes ensemble. Je t'aime.
Tu sais que je veux être avec toi pleinement. Je veux être à toi dans tous les sens. Cela veut dire chaque moment de chaque jour. Je ne veux pas attendre, mais je ne veux pas non plus n'avoir qu'une partie de l'image que je me suis peinte de notre vie ensemble. Je la veux en entier, et pour ça, je suis prête à attendre.
Je t'aime, Edward. Je t'aime depuis le moment où j'ai posé mes yeux sur toi, et je t'aimerai toujours.
Bella
Je relus la missive deux fois avant de lever les yeux vers elle. Je venais d'être sur le point de capituler. Cérémonie civile ou pas – je lui aurais donné ce qu'elle voulait, ce que nous voulions tous les deux – je lui aurais offert une petite parcelle de ce que nous avions rêvé faire cet automne. Je fus inondé par une vague d'émotions que je ravalai, l'amour aussi bien que le regret.
« Nous pourrons toujours réévaluer la situation à Noël, » murmura-t-elle avec un petit sourire conspirateur qui n'atteignait pas ses yeux.
Je l'attirai à ma poitrine et la serrai contre moi pendant le reste du voyage – sauf bien entendu lorsqu'elle dut se rendre au petit coin.
« Nous allons faire notre approche sur Londres, » annonça l'agent de bord dans le haut-parleur. « Nous vous prierions de bien vouloir redresser votre siège et de refermer le plateau intégré, de ranger vos bagages à main dans les compartiments prévus à cet effet ou sous le siège devant vous. »
Emmett grogna car il avait incliné son siège au maximum durant le vol. Le reste de la famille se prépara pour l'atterrissage et, plus important encore, pour la rencontre avec le Professeur Albus Dumbledore.
« Il va sans dire, » énonça Carlisle à voix basse en jetant un regard aigu en direction d'Emmett, « que j'apprécierais énormément que vous vous comportiez de manière exemplaire. »
« Ça veut dire pas de plaisanteries grossières, » expliqua Jasper à Emmett.
D'accord, c'est bon, je suis pas débile, mec ! Grogna intérieurement Emmett.
Nous atterrîmes à Heathrow où nous fûmes accueillis par un homme âgé de grande taille qui avait une longue barbe blanche et de longs cheveux blancs aussi. Ses vêtements étaient étranges, comme s'il n'était pas certain de la façon dont il devait les agencer. En outre, le complet qu'il portait datait visiblement de plusieurs décennies. Alice pinça les lèvres, essayant de garder son opinion pour elle-même.
« Carlisle, mon vieil ami, » dit-il en se dirigeant vers nous avec enthousiasme. Il me faisait vaguement penser à Aro avec son amabilité et sa courtoisie non déguisées, sans toutefois qu'il émane de lui cette menace sous-jacente comme chez le vieux vampire. Et pourtant, comme dans le cas d'Aro, je sentais que cet homme était capable de bien plus que les apparences le laissaient croire. Il se dégageait de lui un certain air d'autorité ou de pouvoir. Peut-être était-ce simplement qu'il avait une grande confiance.
« Albus, » répondit Carlisle en l'étreignant. « Voici ma famille, » continua-t-il en nous présentant à tour de rôle.
« Tu as déjà rencontré Esme. » Esme étreignit Dumbledore comme si elle aussi le connaissait de longue date.
« Emmett et Rosalie, » annonça Carlisle tandis qu'ils échangeaient tous les deux une poignée de main avec Dumbledore.
« Emmett, tu sembles être exactement l'homme dont Hagrid aurait besoin pour l'aider à s'occuper de la faune autour de l'école. »
Les yeux d'Emmett brillèrent d'excitation. « Je ne demande pas mieux que de l'aider. » Son esprit fut traversé par un million de blagues qu'il souhaitait pouvoir partager, mais un regard intense de Carlisle dans sa direction durant une fraction de seconde l'incita à tenir sa langue.
« Et Rosalie, tu es rayonnante. Je suis sûr que tu seras une addition très appréciée à notre corps étudiant. »
« Merci, » répondit-elle, secouant coquettement ses cheveux pour les envoyer derrière ses épaules.
« Jasper et Alice, » poursuivit Carlisle.
« Alice, tu as un don des plus remarquables. Je suis vraiment impatient d'en apprendre davantage à ce sujet. »
« Merci. J'espère qu'il sera aussi utile pour les sorciers qu'il l'est pour ceux de notre espèce, » répliqua Alice.
« Et Jasper, le stratège, j'ai entendu beaucoup de choses intéressantes à ton sujet aussi. Je suis certain que tu nous seras d'une grande aide dans la planification et l'élaboration de nos prochaines manœuvres. »
« J'en serais très heureux, monsieur, » répondit Jasper, et je pouvais discerner un relent de son passé militaire dans son comportement.
« Et, bien sûr, Edward et Bella, » conclut Carlisle.
« Edward, » fit Dumbledore avec surprise. Tu ressembles… Il ne termina pas sa pensée. J'étais très étonné par le contrôle qu'il avait sur son esprit. Durant toutes les présentations, il n'avait pas laissé échapper une seule pensée errante. Intéressant… « Tu seras aussi très bien accueilli au sein du corps étudiant de Poudlard. Ton assistance est extrêmement appréciée. »
Je me contentai de hocher la tête en guise de réponse.
« Et Bella, tu es une jeune fille épatante. Le chemin que tu vas emprunter cette année ne sera pas facile. Merci pour ton sacrifice. »
Elle rougit. « Je suis ravie de vous rencontrer aussi. »
« Nous devons nous mettre en route maintenant. Nous avons beaucoup de territoire à couvrir ce matin, et très peu de temps pour parvenir à destination. Le transport pour se rendre à notre point de rencontre nous attend. J'ai déjà pris des dispositions pour que vos bagages soient acheminés directement à Poudlard. »
Nous sortîmes de l'aéroport, et c'est là que je vis que le transport mentionné par Dumbledore consistait en trois voitures de taxi noires d'un modèle très ancien. Il faisait toujours nuit car il n'était que trois heures du matin. Bella trébucha à mes côtés, visiblement affectée par le décalage horaire.
« Nous devons nous rendre à la campagne à un lieu de rencontre. Je vais donner les directions aux chauffeurs. Une fois là-bas, nous pourrons discuter davantage, » expliqua Dumbledore en passant la tête dans la première voiture pour donner les directions.
Le chauffeur de taxi paraissait confus en marmonnant les directions dans sa tête pendant que nous nous empilions dans son véhicule. J'attirai Bella contre moi et l'encourageai à dormir. J'ignorais la distance que nous devions parcourir, mais elle serait exténuée à la fin de la journée, ça j'en étais sûr. Son corps prendrait un certain temps à s'adapter à la différence d'heure, notai-je en réfléchissant à toutes les méthodes de combattre le décalage horaire.
Nous nous éloignâmes de Londres à toute vitesse et roulâmes bientôt en pleine campagne, éclairés par un quartier de lune. « Bienvenue au Royaume-Uni, » chuchotai-je à la forme endormie de Bella.