Semaine 3 – Jour 3.
Jungkook s'étira, confortablement installé dans l'étreinte offerte par son ami. Enlacés de manière indescriptible, un bras par-ci, une jambe par-là, ils avaient une fois de plus passé une nuit paisible. Ils ne dormaient bien que serrés l'un contre l'autre. Jungkook se sentait alors comme un enfant réclamant un peu d'attention et d'amour à sa mère, une mère qui le lui refusait. Il n'avait jamais reçu d'affection, et Taehyung lui apportait cette tendresse innocente que son cœur avait secrètement toujours espérée.
Réconforté par ce réveil agréable, Jungkook enfouit la tête dans le cou de son camarade qu'il tira de son sommeil à ce geste. En réponse, Taehyung, dans un râle de protestation, passa la main sous le t-shirt de son cadet, en contact direct avec son dos.
« Hyung, t'as les mains froides, grogna Jungkook dans un frisson.
— T'avais qu'à pas me réveiller. T'es tout chaud, partage un peu.
— Bouge.
— Sois poli.
— Bouge, hyung.
— Non.
— Je vais te faire dégager, moi, tu vas voir. »
Taehyung éclata de rire quand débuta entre eux une féroce bataille d'oreillers. Il se prit un premier coup auquel il répondit aussitôt et jetant le premier coussin venu sur son cadet. Tous deux désormais bien réveillés, les amis se redressèrent et quittèrent le matelas pour s'armer chacun d'autant de munitions que possible. Les premiers oreillers volèrent, en même temps que les gloussements. Taehyung esquiva agilement un projectile avant de s'en saisir pour le renvoyer avec habileté. Jungkook ne fut pas en mesure d'éviter le coussin qui s'écrasa sur son visage.
« Le visage, ça fait dix points ! clama l'aîné en filant se cacher derrière un lit.
— C'est injuste !
— C'est toi qui as commencé !
— Reviens ici ! »
Mais déjà Taehyung balançait un nouvel oreiller tout en quittant la chambre dans un sprint magistral. Il paraissait voler plus que courir, ses pieds touchaient à peine le sol. Jungkook s'élança à sa poursuite et parvint à le rattraper alors que l'autre arrivait dans le jardin. Taehyung se fit violemment plaquer à terre, mais sa chute fut adoucie par son cadet qui, en ceinturant son aîné, avait passé un coussin sous lui. Ils s'écrasèrent tous deux dans l'herbe, le plus jeune sur son ami qui, haletant, demeura immobile.
« Kook...
— Oui ?
— Je suis mort.
— J'ai gagné !
— Fais pas le malin, sale mioche, tu m'as réveillé et repoussé ! Pourquoi tu voulais pas de moi ? »
Son ton exagéré amusa Jungkook qui resserra son étreinte en enfouissant le visage dans sa nuque, toujours allongé sur lui.
« T'es bête, sourit-il avec tendresse, je voulais juste pas que tu me foutes tes mains froides dans le dos, mais sinon moi j'étais bien content de pouvoir rester au lit avec toi.
— On finit notre nuit dans le jardin ?
— Il fait jour...
— Et alors ? Si tu crois que c'est ça qui va m'empêcher de me rendormir... »
Jungkook gloussa avant d'opiner.
« Ça me va, approuva-t-il.
— Alors laisse-moi juste me retourner, je vais étouffer comme ça... »
Taehyung, après un nouvel acquiescement de son ami, fut libéré du poids qui pesait sur son dos et put enfin s'installer comme il l'entendait : sur le dos, le regard levé sur un ciel dégagé et teinté d'un bleu qui tirait dans le lointain sur l'orange. C'était beau.
Aussitôt que son aîné eut trouvé une position confortable, Jungkook n'hésita pas à reprendre sa place sur lui : une jambe sur les siennes, un bras autour de sa taille, il fourra de nouveau le visage dans son cou, à moitié affalé sur lui. Taehyung ne retint pas le large sourire qui voulut se frayer un chemin sur ses lèvres. Il enlaça son cadet, puis chacun referma les paupières pour profiter des rayons de soleil matinaux qui baignaient d'une chaleur agréable le jardin verdoyant. L'eau de la rivière un peu plus loin constituait, avec le gémissement de la brise et des branches d'arbres, les seuls sons environnants.
C'était un moment si paisible que les deux jeunes gens auraient réellement pu s'endormir, néanmoins une intervention inopinée les dérangea.
« Je peux savoir ce que vous foutez là ? »
Yoongi.
« Bah on dort, répliqua Taehyung d'un ton tout à fait sérieux sans même rouvrir les yeux. Ça se voit pas ?
— Si, si, au temps pour moi.
— On est fatigués, couina à son tour Jungkook. Besoin de dormir plus longtemps...
— Et pourquoi dans le jardin ?
— Pour se rapprocher de la nature ?
— Je savais que c'était pas une bonne idée de poser la question...
— Et toi, tu fais quoi ici ? demanda à son tour Taehyung.
— J'ai entendu deux fous furieux courir et crier, du coup je voulais savoir ce qui se passait.
— Ah bon ? Y avait des dingues dans la villa ?
— Ouais, deux mecs. Vous les auriez pas entendus ?
— Non, c'était très calme. On a bien dormi, affirma Taehyung.
— Bien sûr... bon, je vais y aller avant que votre folie me contamine.
— Moui, bonne journée, hyung !
— Merci. Reposez-vous bien, les mômes.
— T'inquiète pas pour ça ! »
Une fois leur aîné parti, les deux garçons rouvrirent les paupières, échangèrent un regard, puis éclatèrent de rire. À tous deux cette harmonie leur semble infiniment plus douce que celle de leur chant.
« Il a dû se demander ce qu'on foutait ! pouffa Taehyung.
— Le pauvre, je veux même pas savoir ce qu'il a pu penser quand il nous a entendus !
— Imagine : il est peut-être en train de se dire que cet endroit nous a définitivement fait péter un câble.
— Et ce serait pas tout à fait faux, répliqua Jungkook.
— Mais au moins on s'amuse ! »
Oui, comme ils ne s'étaient encore jamais amusés.
« Ça doit être ça, profiter de la vie, songea Jungkook avec un large sourire aux lèvres. Avoir des amis avec lesquels faire les cons, et tout. C'est vraiment cool !
— Je trouve aussi ! approuva Taehyung en relevant le buste pour planter son regard dans celui de son ami qui s'était allongé sur le dos. Donc on est des vrais amis ? Pour de vrai de vrai ?
— Bah carrément ! »
Et même si cette conversation, ils l'avaient entamée avec à l'esprit le fait que l'amitié plaisait toujours beaucoup aux spectateurs, ils avaient oublié leur rôle en quelques phrases. Parce qu'ils ne jouaient pas. Parce qu'ils étaient sincères. Parce qu'ils s'appréciaient bel et bien et espéraient réellement être considérés par l'autre comme un ami, une personne sur qui compter, une âme charitable sur laquelle s'appuyer.
Taehyung en eut le cœur réchauffé : Jimin n'avait jamais « approuvé » leur lien, jamais il ne lui avait confirmé une quelconque réciprocité de cette affection que son cadet éprouvait pour lui. Avec Jungkook en revanche, tout devenait beaucoup plus simple. Il ne cachait pas ce qu'il pensait, ni qui il était. Il ne témoignait pas de cette retenue insensible qui caractérisait Jimin. Jungkook et Taehyung se ressemblaient, finalement : francs, joueurs, ils dissimulaient leurs souffrances derrière une bonne humeur parfois forcée. Jimin, lui, avait dressé devant lui un bouclier qui, s'il empêchait bel et bien toute attaque extérieure de le détruire, bloquait également toute capacité à exprimer ses émotions.
Pourtant, une infime partie de Taehyung savait que ce bouclier, aussi solide qu'il soit, présentait une unique et minuscule faille, une faille invisible pour tous, sauf pour Taehyung... une faille dans laquelle il avait passé le fil du lien qui les unissait désormais. Le jeune homme n'en démordait pas : peu importait ses mots, Jimin tenait à lui. Il tenait simplement à lui à sa manière, sans pouvoir le montrer, même s'il n'en pensait pas moins.
Ou bien... peut-être Taehyung avait-il besoin de croire que Jimin l'appréciait un tant soit peu. Depuis son arrivée dans les jeux, il se posait de plus en plus souvent la question.
Par chance, l'étreinte que lui offrit Jungkook lui fit oublier ces songes pénibles, et il retrouva sa joie de vivre tandis que son cadet se lovait contre lui. Ils ne demeurèrent pas longtemps dans cette position, juste quelques minutes avant de se décider à se lever. Jungkook avait bien compris au visage tout à coup pensif de son ami que ce dernier s'était perdu dans des idées pénibles, si bien qu'il avait souhaité lui apporter un peu de douceur pour lui redonner le sourire. Un instant il avait même imaginé lui proposer d'aller s'asseoir au bord de la rivière pour y tremper les pieds, mais le souvenir de ce que ce cours d'eau symbolisait sans doute pour Taehyung l'en avait dissuadé. Il avait alors frémi, et il avait aussitôt trouvé refuge dans les bras réconfortants de son aîné.