Chapitre non relu, non corrigé, parce que j'avais oublié qu'on était mardi mdr.
_____________________________
« Ah putain de merde, marmonna Hoseok le plus bas possible.
— Ça devient sérieux, constata Jungkook avec une moue inquiète, ta cheville a triplé de volume.
— Je le sens bien, effectivement...
— T'aurais jamais dû te donner autant. J'arrive même pas à croire que t'aies pu danser aussi naturellement. Ça devait faire super mal, non ?
— Ouais, j'ai pas choisi ce morceau pour rien. »
Jungkook se rappela alors que son aîné avait choisi une musique profondément triste, qui s'éloignait de son style habituel mais qui le rendait d'autant plus beau. Son visage s'était révélé particulièrement expressif... Jungkook y avait lu une douleur sans nom qui seyait de façon sublime à la mélodie choisie, mais qui s'expliquait en fait par les souffrances du pauvre danseur.
« Hyung... tu vas pas tenir longtemps, à ce rythme-là...
— Je sais.
— Tu vas faire quoi ?
— Tenir jusqu'au bout. Peut-être que demain, ça ira mieux. »
Jungkook sentit sa gorge se nouer en comprenant ce qu'il voulait dire.
« Tu resteras, » affirma-t-il.
Hoseok ne répondit pas. Les yeux clos, il se contentait de profiter du léger massage offert par Jungkook à sa cheville meurtrie tandis qu'il lui appliquait de la pommade. C'était si doux qu'il n'en souffrait pas, son ami savait qu'il ne devait surtout pas effectuer la moindre pression sous peine de lui tirer un effroyable cri de douleur. Il songeait douloureusement à sa performance, quelques instants plus tôt, à son groupe qu'il avait le sentiment de laisser tomber.
Pour la première fois, les larmes lui montèrent aux yeux. Incapable de les retenir, il les laissa s'échapper à la manière dont il sentait son destin lui échapper. C'était comme plonger les mains dans un océan d'espoirs : impossible de contenir l'eau entre ses mains, elle finissait toujours par s'échapper peu à peu. On pouvait tenter de l'en empêcher, en reprendre chaque fois qu'elle disparaissait... mais le plus terre à terre était de se rendre à l'évidence : on finirait toujours les mains vides. Hoseok se sentait vide, inutile de contenir ses sanglots.
Jungkook, jusque-là concentré sur sa cheville, tourna son regard soucieux sur son aîné, étendu sur le lit au pied duquel se trouvait la trousse de secours. Aussitôt, devant le visage désespéré de son ami, il sentit ses propres espoirs s'envoler.
« Hoseok-hyung, s'il te plaît... pleurs pas.
— Kook... ça me fout tellement les boules de partir à cause de ça.
— Tu vas pas mourir, susurra Jungkook dont la gorge nouée l'empêchait de parler plus fort.
— S'il te plaît, si tu t'en sors... prends soin de mon groupe. Je les aime tellement, ils m'ont tellement apporté. »
Et tandis qu'il parlait, Hoseok s'était assis et avait pris ses mains entre les siennes. Il le suppliait si ardemment qu'à son tour Jungkook ne fut plus en mesure de contenir une larme, puis une deuxième, et plusieurs autres qu'il balaya d'un geste du coude.
« Tu mourras pas demain, je te le jure, répéta-t-il. Me demande pas de te promettre des trucs pareils.
— Si c'est pas demain, ça ne tardera plus, répliqua Hoseok. Jungkook, j'en peux plus, ça fait tellement mal : je suis même pas sûr de réussir à marcher quand je me relèverai. Mon dernier mouvement... j'ai eu l'impression qu'un truc s'était déplacé dans ma cheville, et depuis ça brûle, même quand je bouge pas. Ça me rend dingue, cette douleur, et tout ce qu'on a c'est des petits comprimés pour les maux de tête et la fièvre : ça fait presque rien, ça permet même pas de rendre mes souffrances supportables. Je sais pas comment j'ai fait pour tenir une semaine, mais là j'y arriverai pas. T'imagines même pas : c'est comme un couteau enflammé qu'on m'aurait planté dans le pied et qu'on prendrait plaisir à tourner et déplacer pour accentuer encore la douleur. Depuis quatre jours je dors à peine, je pense qu'à ça et ça tourne dans ma tête, comme le couteau tourne dans la plaie. Ça tourne, inéluctablement, et moi je peux rien faire. »
Sur ces mots, les sanglots revinrent, plus violents, et il ne fut pas en mesure de poursuivre : il avait mal, si mal ! Vivre était devenu un tel calvaire qu'il commençait à songer que s'endormir pour ne plus jamais se réveiller lui permettrait enfin de connaître la paix ! Comment pouvait-il ne serait-ce qu'y songer ! Où était donc passé son optimisme, ses convictions, sa détermination ! La douleur effaçait tout, elle remplaçait les doux souvenirs et les plus vifs espoirs par des hurlements intérieurs : Hoseok donnerait tout pour les faire taire une bonne fois pour toutes, ça le rendait fou ! Jungkook ne pouvait pas comprendre !
Ce dernier, justement, conscient que les maux de son ami lui échappaient, s'essuya les mains avant de s'asseoir auprès de Hoseok. Il enroula les bras autour de sa nuque et demeura silencieux. Si cette étreinte ne constituait pas un remède miracle, au moins il espérait qu'elle le réconforterait un peu. L'aîné l'enlaça à son tour et continua de sangloter, plus silencieusement, contre lui.
La pièce était silencieuse.
Les minutes passèrent et Hoseok finit par se calmer. La souffrance n'était pas partie, mais il en avait désormais la douloureuse habitude. Jungkook s'écarta et, après un regard encourageant, retourna à sa tâche : il banda la cheville de son ami qui geignit faiblement lorsqu'il serra. Le cadet eut du mal à ignorer ses plaintes, mais il fallait qu'il effectue un pansement capable de restreindre les mouvements de sa cheville lorsqu'il bougerait. Il n'avait pas le choix.
Lorsqu'il termina, il remarqua que son ami, qui s'était de nouveau allongé, transpirait autant que s'il avait dansé pendant une heure. Jungkook s'alarma aussitôt et fila lui chercher un verre d'eau froide à la cuisine. Son aîné l'en remercia et, après l'avoir bu, indiqua qu'il souhaitait se reposer. Il remercia Jungkook à plusieurs reprises pour son aide, et ce dernier le laissa pour lui permettre de s'endormir.
Une nouvelle larme coula lorsqu'il songea que peut-être il vaudrait effectivement mieux que Hoseok ne se réveille jamais... De toute façon, être handicapé à ce moment de la compétition le condamnait nécessairement, et c'était sans doute cette certitude qui poussait le danseur pourtant si lumineux à envier l'ombre.
~~~
À son réveil, Hoseok râla sous l'effet de la douleur qui lui revenait de manière plus violente encore qu'avant qu'il ne s'endorme. La brûlure, encore et toujours, si acérée...
« Ça va ? »
La question le surprit, il ouvrit les yeux pour découvrir non Jungkook mais Seokjin à son chevet. L'aîné le regardait avec un attendrissement presque paternel, et il retira de son front un tissu humide et froid que Hoseok n'avait même pas senti.
« T'avais de la fièvre, indiqua-t-il en le lui enlevant, Jungkook avait vraiment peur, alors il est venu me voir. On sait tous que t'es blessé, t'as pas besoin de nous le cacher, tu sais.
— Je vois...
— J'ai mis un bac à glaçons au congélateur il y a une heure, normalement ils...
— Il est quelle heure ? demanda soudainement Hoseok.
— Neuf heures du soir. Je pense que personne n'arrivera à dormir avant minuit. Tu veux que j'aille voir les glaçons ?
— J'aurai mal quand même. Jungkook vous a dit pourquoi j'étais blessé ?
— Non, il nous a simplement dit qu'il a remarqué que tu l'étais il y a quelques jours. Il en a pas dit plus. Je pense qu'il estimait que c'était à toi de le faire, si tu voulais nous en parler. »
Hoseok acquiesça lentement, pensif. Pourquoi les autres participants, ses concurrents, se montraient-ils aussi bienveillants envers lui ? Parce qu'il était blessé et qu'il serait donc inutile de le considérer comme un rival ? Ou bien parce qu'ils s'inquiétaient sincèrement pour lui ? Jungkook avait partagé ses larmes, et Hoseok voulait croire qu'il avait été honnête. Ça le rassurait, finalement : son groupe de danse était ce qui comptait le plus pour lui, car chacun s'y soutenait. Et dans ce groupe également, chacun se soutenait.
Une chose était certaine, en tout cas : puisque les spectateurs ne devaient rien savoir de son contrat ni de sa blessure, Hoseok n'était jamais filmé lorsqu'il soignait sa cheville ou bien l'évoquait. Du temps d'écran en moins, c'était inévitablement un risque accru d'être éliminé... et parce qu'ils souhaitaient être à son chevet, les autres garçons n'hésitaient pas à sacrifier leur propre temps, simplement afin de s'assurer que lui allait bien.
Sur ce point, impossible de le nier : ils agissaient de manière parfaitement altruiste. Leur geste ne leur rapporterait aucun avantage vis-à-vis du public qui n'apprendrait jamais qu'ils étaient restés auprès de lui, et au contraire ça risquait bien de les pénaliser à leur tour, alors même qu'ils jouaient leur vie au sens propre.
C'était sans doute ça, la bonté, la vraie, la bienveillance qui agissait sans rien attendre en retour, consciente même de se tirer une balle dans le pied.
« Hyung, murmura-t-il finalement, pourquoi tu restes vers moi ? T'as pas peur de mourir ? »