Méfiance ou Confiance?

Première sortie, PdV Lililan

Les jours passèrent. Contre toute attente, Alex était moins insupportable que je le pensais. La pluspart de ses <<ordres>> consistaient en le divertir et lui raconter des histoires avant le coucher (quoique c'était moi qui dormais plutôt que lui).

Malheureusement, il n'y avait aucune nourriture humaine à portée. Le jour même de notre rencontre, il eut la gentillesse de se renseigner sur les métamorphes à un équivalent de la bibliothèque. Sachant ma nature, il en avait profité afin d'approfondir ses recherches.

Alex m'avait expliqué que les démons, lorsqu'affamés à un certain stade, pouvaient être réduits à leurs instincts primaires et oublier toute autre notion de <<bonne manières>>.

-"Dans ces moments, tu veux être très loin d'eux.", avait-il expliqué. "Les humains disent que les démons sont machiavéliques, mais ils n'en n'ont jamais vu à leur état pur. Ou primitif, si tu préfères. À côté d'eux, les démons du cercle de la gourmandise mangent comme les nobles de l'ancien temps."

Un démon ayant reçu des blessures mortelles au bord de la mort pouvait aussi réagir ainsi. Ces mêmes conditions s'appliquaient également aux métamorphes. La grosse différence était que les métamorphes pouvaient tomber plus facilement dans ces phases en raison de leur partie humaine. Et, pour une raison que nous ignorions tout les deux, ceux-ci avaient une plus grande tendance à tuer les démons aux alentours.

-"Mais ce n'est pas logique!", avais-je dis en fronçant mes sourcils. "Sous tous les points, un métamorphe est moins puissant qu'un démon, même si ce dernier est de caste inférieur!"
-"Je ne sais pas. Faut croire qu'il fallait bien un côté commode à en être un, sinon ce serait trop nul."

Je n'avais rien répliqué...

Le reste de la journée avait consisté en de multiples essais à avaler une âme. Pour que je ne crève pas de faim. On a passé par toutes les gammes d'émotions; Alex qui se moquait de moi, moi qui refusait de bouffer l'essence d'un cadavre et surtout mon incapacité à manipuler et/ou aspirer une âme.

-"Mais bouffe! C'est pas compliqué!", avait-il rigolé en enfermant une énième fois l'âme dans un bocal.
-"Tu crois que ce n'est pas ce que j'essais de faire?! Pas ma faute si cette foutue âme veut rien savoir de ma gueule!", avais-je rétorquée, saoulée de l'exercise. "J'aspire de l'air!"
-"Comment peux-tu aspirer de l'air mais-", avait-il commencé avant de soupirer. "Moi qui croyait jamais donner un cours de comment manger..."

Épuisée, je m'étais rallongée sur le lit avec une faim grandissante.

-"Allez, réessaie! Je ne veux pas te nourrir au bouche à bouche!"

Grognant et marmonnant mon écoeurantite aiguë, je m'étais relevée. La tête me tournait et je sentais une étrange chaleur à mon oeil... droit?

-"Oh! Lil! Lil! Lil!", s'était écrié le petit démon.
-"Quoi?!"
-"Ton oeil droit brille!"
-"Comment ça, il brille? J'ai pas une ampoule greffée dedans que je sache-"
-"Regarde!"

Il m'avais tendu un miroir.

-"Là! Ça va marcher, j'en suis sûr!"

Sur ce, il avait envoyé valser le pauvre miroir qui s'était écrasé sur le mur. Puis, il avait débouché le bocal, libérant une fois de plus l'âme.

Les tentatives s'étaient révélées plus fructueuses. Loin d'être mon mode d'alimentation préféré, quelques âmes m'étaient suffisantes pour tenir quelques jours. Étrangement, mon oeil droit restait rouge ou brillait. Pas moyen de fermer cette lampe de poche portable... Durant la semaine qui suivit, Alex m'enseigna comment changer d'apparence. Je me débrouillais pour les apparences non-humaines. Le reste...

-"Allez, change tes cheveux en rose!"
-"J'aime pas le rose..."
-"Lil tu peux pas rester en paresseux ni en koala pendant toute ta vie! Je sais que c'est bien à ton image mais franchement!"
-"Et si j'en décidais ainsi? Tu sauras que c'est très chouette d'être un koala! C'est mignon et cute! Et un paresseux bah... tu paresses!"
-"Mais change ton apparence humaine! Pas animale! Tu peux pas risquer de sortir en koala, tout le monde te remarquera!"
-"Qui t'as dit que j'allais sortir?? Tu veux ma mort??", répliquai-je, les yeux ronds.
-"Je peux pas sortir à chaque fois et rapporter une âme dans un bocal! Quand t'as faim, tu manges sur place! J'ai failli me faire pogner par un des agents l'autre jour!"
-"Alors sors plus, c'est pas chiant! Je suis capable de tenir!"

Alex soupira.

-"Allez! Si tu gardes ton aura de démon et que tu change suffisamment d'apparence, tu pourras aussi enquêter sur ton Cieleu! T'as pas envie de le trouver?", ajouta-t-il en roulant des yeux.

Je soupirai. Ce ne serait pas une mauvaise idée...

-"Fine! Mais pas rose bonbon! J'aime pas le rose de toute manière!"
-"Bouh, d'accord..."

Et ainsi commençai-je à me créer une nouvelle identité... Quelques semaines plus tard, c'était à moi d'aller enquêter dehors. La nervosité me grugeait les nerfs. Je m'était bien pratiqué à tenir des jours mon apparence et mon aura. Ça me brûlait plus d'énergie malheureusement...

-"Alors tu te rappelles? Pas de carnage d'âmes. Je ne veux pas qu'on débarque chez moi parce que t'as ratissé l'équivalent d'une ville complète. 3 âmes maximum. Et c'est normal si on te défie. Tu peux te battre si tu veux mais je ne te le conseillerais pas. On est dans le cercle central. Ce ne sont pas des démons inférieurs mais des démons supérieurs, avec beaucoup d'expérience. Fais-toi discrète et ne fais pas chier les autres. Reviens à la tombé de la <<nuit>>."
-"Oui."

J'allais ajouter <<papa>> mais je me retins. Alex soupira et me fixa de ses yeux.

-"Dire que je me sens comme un mortel paternel. Quelle horreur."
-"T'inquiète, je me sens comme si mon père acceptait pour la première fois que j'aille chez mon premier chum. Ç'en est presque drôle.", raillai-je amusée.
-"... Promets-moi d'être prudente, Lil."

Je le fixai un peu surprise.

-"Mon dieu, je savais pas que t'étais aussi attaché à moi!"
-"La ferme! Je veux juste pas que mon travail soit fichu dès le premier essai.", marmonna-t-il.

Contre toute attente, il s'avança et me donna un câlin. Je souris, attendrie malgré moi et lui redonna son câlin. Sa tête m'arrivait juste en dessous du menton.

-"Si tu te fais prendre, je vais m'occuper de toi personnellement."

...

Je lui pinçai la joue.

-"Moi aussi je t'aime.", me moquai-je avant de sortir.

On aurait pratiquement dit Alois...