15 / Camille

81 15 1
                                    

Samedi en fin d'après-midi, couchée sur son lit, Camille soufflait un peu avant de rejoindre le restaurant de M. Shitake. Le rendez-vous du lendemain, dans la forêt de Fontainebleau, l'avait obligée à travailler dès l'aube ce jour-là. Elle avait commencé à rattraper les cours où elle avait rêvassé le vendredi, puis mis la dernière touche à son devoir sur Constantinople. Il était presque l'heure de rejoindre le restaurant. Presque.

Dans la solitude de sa petite chambre sous les toits, Camille se rendait compte, qu'elle appréhendait le campement dans les bois avec Antoine et toute sa clique. En fait, elle n'avait jamais campé. En vacances, ses parents n'avaient aimé que les hôtels de luxe. Et son oncle et sa tante n'associaient la tente qu'à la misère humaine et aux camps de réfugiés. Camper, n'avait jamais été une option dans sa famille. Mais bon, vue ses projets de voyage, il allait bien falloir s'adapter. C'était donc un très bon test.

Néanmoins, même s'il elle parvenait à dormir sous une tente, il était peu probable qu'elle apprécie à sa juste valeur ce petit week-end. Elle était indéniablement une fleur de béton, elle ne savait pas trop quoi faire de la nature, de l'air frais, des frondaisons habitées par le vent et des étendues herbeuses qui vous piégeaient de leur monotonie. Allongée là, à fixer son plafond lépreux, elle se demandait sincèrement si elle serait à la hauteur de tout ça. Si elle parviendrait à tout gérer sans provoquer de catastrophe du type : crêpage de chignon, engueulade en pleine air ou inévitables situations ridicules, voire drames inexplicables. Tout était possible.

Elle reconnaissait qu'elle avait peur, ce qui était plutôt amusant pour une fille qui avait grandi dans une cité où la mort frappait bien trop souvent pour qu'on l'ignore, pour une fille qui avait vécu ce qu'elle avait vécu...

Elle soupira et commença à se préparer. En ouvrant son téléphone pour voir l'heure, elle tomba sur la page de contact qu'elle avait créé la veille au soir. Sola Valdez. Et comme un baume, penser à la jeune femme étrange, l'apaisa.

Ces jours-ci, sa vie prenait une étrange tournure. Camille était bien forcée de le reconnaître. Elle avait passé les sept derniers mois dans un relatif anonymat, à la faculté et dans la vie en général. Durant ces sept mois, elle avait passé son temps entre le travail et les études, avec peu de respirations entre. C'était une nouvelle vie sans grande excitation, mais ça lui allait.

Cependant, depuis deux jours, elle ne cessait de faire de nouvelles rencontres, d'être sollicitée de manière très personnelle. Elle aimait et détestait cela en même temps, car ça lui faisait plaisir, mais lui demandait beaucoup d'efforts de sociabilisation qu'elle n'était pas toujours prête à faire.

Sola faisait partie de ce maelstrom. Mais alors qu'elle n'était apparue que la veille dans l'existence de Camille, la jeune femme avait la sensation qu'elle en était l'unique point stable. Cette confiance et cette aisance que Sola déployait autour d'elle, avait rejailli sur Camille, lui donnant une force qui lui avait fait du bien. Sola lui faisait du bien. Camille se disait que rien de facheux ne pourrait jamais arriver avec elle.

Au moment de fermer sa porte, Camille remarqua enfin le message de Lara. Son amie y décrivait le campement avec photo à l'appui. Immédiatement, Camille tenta de l'appeler avec une certaine inquiétude. La seule chose qui lui était venue à l'esprit en voyant le rassemblement de petites tentes, c'était : film d'horreur avec poursuite sanglante et tragique dans les bois.

Elle se reprocha de ne pas avoir tenté de dissuader Lara d'y aller. Camille était à peu près sûre que la blondinette n'avait jamais fait de camping, et redoutait des expériences désagréables pour elle. Même si question expérience, elle ne pouvait pas trop la ramener... C'était con ! Elle n'était ni sa sœur, ni sa mère ! Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher.

De notre sangWhere stories live. Discover now