102 / Perdue

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Mathilde n'était pas encore entièrement remise de son empoisonnement. Elle sentait qu'elle n'était pas au maximum de son potentiel. Pourtant, elle tenait bon et irradiait la zone d'une onde douloureuse que l'ennemi tentait d'encaisser sans broncher. Mais il avait du mal. Les gémissements et les cris de douleurs se mêlaient à la rage et à la colère, signe que malgré sa faiblesse, elle parvenait à faire sa part dans le combat en cours.

Sur sa droite, profitant des ruines pour se mouvoir discrètement, Dejen environnait les ennemis les plus proches de ténèbres terrifiantes avant qu'Amotep ne les tue en silence. Ils formaient un duo effrayant d'efficacité. Et malgré la multitude, ils ne se laissaient pas déborder.

Médjès, Lucie et Sola opéraient ensemble d'une manière bien différente. Ils agissaient à la vitesse maximum sans faire dans la finesse. Point de silence ou de ténèbres, juste des ombres mouvantes et insaisissables qui tuaient à coup sûr.

Ils étaient six. Six contre une multitude. Mais aucun d'entre eux n'avait peur. Aucun n'aurait envisagé de fuir pour sauver sa peau, même temporairement. Ils étaient le rempart inébranlable. Ils étaient la force vive qui ne faillirait pas.

Entre ces ruines que la nuit allait bientôt engloutir, ils étaient chez eux et ne comptaient pas s'incliner devant l'ennemi. Jamais. Ils n'avaient plus le choix. Les dernières attaques des Dévoreurs avaient été dévastatrices à plus d'un titre. La mort de certains d'entre eux, trahis par l'une des leurs était particulièrement difficile à accepter. Et parce que la meilleure défense, quand on se savait en infériorité numérique, était bien l'attaque, Mathilde avait envoyé plusieurs équipes ravager les bases connues des Dévoreurs.

Elle aurait pu l'orchestrer plus tôt. Elle aurait peut-être dû. Mais elle avait l'expérience pour elle. À plusieurs reprises au cours des siècles, elle avait organisé des expéditions punitives d'envergures, mais à chaque fois, les Dévoreurs étaient réapparus, plus forts, mieux armés et plus déterminés. Depuis plusieurs décennies, de fait depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les choses s'étaient calmées. Mathilde avait voulu croire en une possible coexistence. Les Znūntāks étaient discrets, et les Dévoreurs inexistants.

Maintenant, elle savait que ça n'était qu'une illusion. Une manière de les endormir avant la terrible trahison, avant l'assaut que l'ennemi croyait final. Mais il se trompait. Si c'était le dernier combat, alors ce serait le leur. Elle, elle survivrait, et tous ceux qu'elle pourrait protéger, également. Les Znūntāks allaient se battre jusqu'à tuer le dernier des Dévoreurs. Ils répandraient le sang jusque dans les berceaux s'il le fallait, et effaceraient toutes traces de leur existence.

Décider de se battre ici était stratégique. Il était plus simple pour eux de protéger l'entrée du domaine que de fuir, comme à Singapour, car ça n'était pas le nombre d'ennemis qui importait, ni même ses armes, mais les solutions de replis, les moyens de surprendre.

Si Kaspar avait transmis la localisation du domaine, il n'avait pu, ni en donner un plan exact, ni en signaler toutes les sorties dissimulées, pour l'unique et simple raison qu'aucun Znūntāk n'avait ces informations. Même pas la Matriarche.

Le nouveau domaine avait été abandonné des siècles auparavant, alors que Jawhar était encore en vie. Alors que Mathilde n'était pas encore sa Kachnefer. Il n'en avait pas donné la raison. Il n'en avait pas eu besoin, car personne ne la lui avait demandée. Après tout, à cette époque, les temples et les domaines ne manquaient pas. Les Dieux et leurs créatures pouvaient bien faire ce qu'elles voulaient.

L'endroit faisait donc partie d'une longue liste de lieux, autrefois investis d'une importance quelconque, et qui, par les truchements de l'histoire, avaient été abandonnés aux sables du temps. Celui-ci, avait retenu l'attention de la Matriarche pour plusieurs raisons. En premier lieu, les hommes n'en avaient pas encore découvert l'existence, malgré les ruines qui l'environnaient. En second lieu, Mathilde avait toujours soupçonné que l'un de ces multiples couloirs plongeant dans une obscurité entretenue par l'oubli, était un accès enfoui au temple de la source.

De notre sangWhere stories live. Discover now