89 / Rivaux

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Le bivouac était sommaire, mais suffisait à leur permettre de se reposer un peu. Les chevaux avaient été mis à l'ombre de quelques ruines que rien ne permettait d'identifier. Maison ? Bergerie ? Ruine antique ? Aren ne voyait pas à quoi avait pu servir le petit bâtiment adossé à un gros amas de rochers, au sommet duquel Médjès était assis depuis bientôt dix minutes.

— Tu crois qu'il médite ? demanda Wira en reposant la gourde qu'il avait trouvé dans le paquetage accroché à la selle de son cheval.

— Aucune idée.

— Je me demande si cette Tidir et lui forment une communauté comme moi avec Zhihao et les autres.

— Je ne crois pas. La seule chose que je sais à son sujet, c'est qu'il vit seul dans le désert.

— Comme un ermite ?

— Comme un nomade.

— Je ne vois pas la différence.

— Les différences, c'est qu'un ermite ne bouge pas et communique le moins possible avec ses semblables, contrairement à un nomade qui parcourt le monde et interagit avec lui, Wira ! Qu'est-ce que ta vie d'humain t'a appris ? Tu n'es donc jamais allé à l'école ? Et depuis que tu es Znūntāk, tu ne te renseignes pas ? s'exclama Aren fatigué par la chevauchée et l'utilisation excessive et inhabituelle de ses pouvoirs.

Continuant à fixer Médjès en mâchouillant une lanière de viande séchée, Wira répondit alors sur un ton détaché :

— Est-ce que tu savais que le scarabée rhinocéros était dressé pour combattre dans certaines régions d'Asie ? Qu'il pouvait mesurer jusqu'à 7cm et qu'il aimait particulièrement les flamboyants, arbre qui...

— C'est bon. J'ai compris. Excuse-moi, lâcha Aren qui réalisait qu'il venait encore de se comporter comme un con.

— Je ne suis jamais allé à l'école, Aren. Je suis plus jeune que toi, et ce que j'ai vu de l'humanité m'en a dégoûté pendant longtemps. Il a fallu toute la patience de quelqu'un qui est mort maintenant, pour me faire redevenir un homme, continua Wira.

— Pardon, murmura Aren contrit.

Il savait si peu de chose sur le jeune Znūntāk en définitive. Jusqu'à ce voyage, il ne l'avait jamais côtoyé d'aussi près et aussi longtemps. Il savait juste qu'il était attiré par lui de manière déraisonnable. Aren se sentait stupide d'avoir eu la présomption de se sentir supérieur. Il aurait aimé s'excuser mieux, discuter, mais Médjès redescendait déjà, et Wira avait abandonné son morceau de viande au faucon qui venait de se poser devant lui.

— Il faut repartir. Nous ne sommes plus seuls sur cette piste.

— Pourquoi ne prenons-nous pas un bateau comme c'était prévu ? demanda Aren, finalement soulagé d'échapper à la froideur brutale de Wira

— À Marsa Alam, vous étiez attendu. La Matriarche a pu passer de justesse entre les mailles du filet. Mais vous, vous étiez bons pour tomber entre les mains des Dévoreurs. Ils étaient partout dans la cité.

— Comment est-ce possible ?

— Ils sont tous arrivés avant vous. Et quand je dis tous, je dis que, actuellement, l'Égypte compte plus de Dévoreurs qu'elle n'en a jamais vu. La voie maritime est bloquée. Et puis, il est plus facile de s'échapper par le désert. Surtout avec moi comme guide.

— Peut-être, mais s'ils sont si nombreux, c'est qu'ils savent que Mathilde va vers la source et le temple.

— Comment l'ont-ils su ? Il y a un autre traître parmi nous ? demanda Wira s'immisçant dans la conversation.

De notre sangWhere stories live. Discover now