37 / Garder la porte

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Les Znūntāks n'avaient jamais réussi à se débarrasser de la cellule parisienne des Dévoreurs. La plus ancienne de l'Ordre aujourd'hui, et ce depuis les visites de Napoléon en Égypte. Contrairement à d'autres, les séthiens parisiens avaient été malins et avaient exploité le terrain en leur faveur. Ils ne possédaient pas une base centrale, mais un réseau développé sur l'ensemble de la ville. Ajouté à cela, leur force technologique et leurs ramifications à travers le pays, cela faisait d'eux une puissance non négligeable qu'il ne fallait pas prendre à la légère.

La communauté des Znūntāks en avait fait les frais à diverses époques. Depuis quelques décennies, cependant, une sorte d'équilibre avait été trouvé. Les Znūntāks s'étaient montrés si discrets que les Dévoreurs avaient fini par croire que leur communauté avait disparu de la capitale. Rien n'était plus faux. Les Znūntāks avaient simplement réduit leurs mouvements, mais n'en surveillaient pas moins ceux de l'ennemi, avec le secret espoir de découvrir toutes leurs bases.

Ce long et patient travail de surveillance et de récolte d'informations avait un objectif bien précis : lancer une attaque coordonnée sur tous les points de chute de l'Ordre, afin d'éradiquer cette cellule historique et gagner une bataille, dont l'ennemi aurait du mal à se relever. Comparativement à tous les combats postérieurs, ce serait une grande victoire pour les Znūntāks. Cela voudrait aussi dire que les hostilités reprendraient de plus belle à travers le monde. Mais les Znūntāks étaient prêts à se défendre. Même bien intégrés à la société, ils demeuraient des combattants hors pairs qui ne reculaient jamais face à l'opportunité de verser du sang.

Après tout, il avait été créé pour cela : pour combattre un ennemi, s'abreuver de son fluide vital et demeurer immuable à travers le temps. Cela ne les rendait pas immortels, mais d'une longévité incomparable. De tous temps, ils étaient là, observateur ou acteur de l'époque. Victime ou bourreau.

En cette nuit de mars inhabituellement froide et humide, Dresden avait conscience qu'en décidant de sauver Sola, il allait mettre un grand coup de pied dans la fourmilière et anéantir le plan patiemment mis en œuvre par les siens pour libérer Paris de l'emprise des Dévoreurs. Mais avait-il le choix ? Par le passé, il était souvent arrivé qu'un Znūntāk se fasse prendre et trucider par l'ennemi. Toutefois, la communauté n'en avait eu vent qu'après les faits. Le désir de vengeance était bien là, mais le bien commun primait. Jusqu'à maintenant.

La capture de Sola Valdez, et probablement de Camille Dorville, un innocent à ses yeux, avait montré à la Matriarche qu'il ne servait à rien de fomenter des plans à longs termes. Mieux valait utiliser la bonne vieille méthode de la violence opportuniste que pratiquait Dresden en toute discrétion. Il naviguait en eau trouble dans un monde violent et injuste, il exploitait les failles humaines et utilisait son don pour trouver des cibles. Faciles ou non, il avait toujours l'avantage d'être celui que l'on n'attendait pas. Et ce soir, comme à chaque fois, personne ne l'attendait.

Dissimulés dans les ombres d'un porche, Dresden et Demetrios étaient arrivés ici comme deux souffles à peine perceptibles en cette nuit glaciale. Tout était calme aux alentours de la demeure cossue que les deux Znūntāks fixaient en silence depuis l'autre côté de la rue. Pas un bruit. Pas un mouvement. Les caméras, au-dessus du portail d'entrée, semblaient inactives. C'était inattendu. D'un autre côté, les Dévoreurs n'avaient pas pour habitude de s'afficher. C'était bien pour ça qu'il était si difficile de trouver leurs bases. En capturant une ombre au lieu de la tuer immédiatement, ils avaient fait une erreur dont ils n'avaient pas idée.

— On procède comment ? murmura Demetrios, en penchant légèrement son corps massif vers Dresden. Pas qu'il soit beaucoup plus grand que son compagnon, mais de fait, sa stature lui conférait une imposante présence dont il jouait naturellement.

De notre sangWhere stories live. Discover now