61 / Face à face

81 13 2
                                    

— Sa respiration semble reprendre un rythme normal, dit Amotep en se redressant.

Finalement, ils étaient montés dans l'avion pour se faire plus discrets. Lucie avait été assise non loin du corps de Dresden, étendu au sol, à l'entrée de la carlingue. Vahan était le seul à s'être installé confortablement sur un siège. Les autres Znūntāks étaient regroupés près des blessés.

Mathilde les observait tous depuis l'entrée, où elle patientait debout, avec Indra, qui ne la quittait pas d'une semelle depuis qu'Aren l'avait menacée.

— Je nous sers à boire, et nous pourrons discuter, Matriarche, dit d'ailleurs ce dernier, en se redressant, rassuré de l'état de Dresden. Il va falloir définir nos priorités, finit-il.

— Mathieu t'attend à Paris. Voilà ta priorité. Depuis la disparition de Mlle Dorville, les Dévoreurs sont déchaînés ! Et moi, je dois finaliser une affaire en Amérique du sud, dit Mathilde sèchement en le regardant servir de l'alcool dans des verres sortis du mini-bar.

L'avion appartenait à la Matriarche. Elle en avait fait l'acquisition pour faciliter ses nombreux déplacements et échapper aux regards scrutateurs que les Dévoreurs avaient partout. Elle était chez elle, ici. Elle prit le parti de ne pas s'inquiéter des autres, enjamba Dresden, et prit le verre que lui tendait Aren, avant de s'asseoir avec une certaine classe dans son fauteuil habituel au centre de l'habitacle.

— Certes, mais Dresden n'est pas en état de vous aider, pas plus que Lucie, dont vous venez de perdre la confiance, dit tranquillement Aren en s'asseyant face à elle.

— Lucie s'en remettra. Elle est trop jeune pour comprendre mes décisions pour le moment, voilà tout.

— Allez-vous user du même argument sur moi, alors que je suis plus vieux que vous ?

— Que cherches-tu, Aren ? Le pouvoir ? demanda subitement Mathilde en se penchant vers lui, un air agressif collé au visage.

— Certes, non. Et vous le savez. Mais s'il faut que je m'oppose à vous ouvertement pour vous ouvrir les yeux sur vos dérives, je n'hésiterai pas.

— Mes dérives ?

— Vous avez fait de nombreuses erreurs sous le coup de la colère et du doute, ces derniers temps, vous, qui avez été si mesurée durant ces dernières années. Je n'arrive pas à comprendre. Expliquez-moi et je vous suivrais. Pourquoi une telle aversion envers Camille Dorville ?

— Tu ne veux pas que je m'explique. Tu veux que je me justifie. Or, je ne me suis jamais justifiée devant personne, Aren.

— Parce que, jusqu'à présent, vos décisions avaient été justes. Ce qui n'est plus le cas depuis l'apparition de Camille.

— Cette fille est dangereuse. Dresden n'aurait pas dû lui donner l'éternité.

— C'est vous qui le lui avez demandé. Il n'a fait que vous obéir. Mais peut-être espériez-vous qu'il échoue ? Quoiqu'il en soit, ça n'a pas été le cas. Et maintenant qu'elle est une Znūntāk, il paye encore plus le prix du Yāasht. Dresden a toujours été exemplaire et obéissant. La preuve, il était ici au moment où sa compagne découvrait son don de manière assez brutale, si j'en crois ce qu'a dit Sola. Il aurait dû être avec elle, Matriarche.

— C'est elle qui l'a repoussé. Et tu étais d'accord pour le suivre.

— Oui. J'ai fait une erreur et lui aussi. Mais poursuivre dans cette voie lui serait fatal. Vous savez ce qu'est le Yāasht. Vous savez ce que fait endurer sa perte. Mais tout comme moi, vous ignorez ce que vit actuellement Dresden, c'est à dire le rejet. Personne ne le sait. Il endure avec courage une souffrance qu'aucun de nous n'a jamais expérimenté. Et vu la violence de sa réaction face à la détresse de sa compagne, pourtant à des kilomètres d'ici, je crains que vous ne soyez en train de jouer un jeu bien dangereux pour lui. Mais peut-être est-ce voulu ?

De notre sangWhere stories live. Discover now