70 / Vouloir protéger les siens

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Camille était assise sur le lit. Elle ne s'était pas changée, n'avait même pas mis de chaussures. Elle fixait ses mains posées sur ses genoux. Le médaillon qu'elle portait autour du cou se mit à miroiter, mais elle n'y prêta pas attention.

Elle réfléchissait à ce qu'avait dit Dejen. Elle ne pouvait se sortir de la tête sa propre réponse : « Vous n'êtes pas des monstres ». « Vous » ? Pas « nous », « vous ». Camille ne se sentait toujours pas Znūntāk, malgré tout ce qu'elle avait vécu et constaté, et bien qu'elle ait cherché à les protéger d'Indra et de sa volonté de révéler leur existence au monde. Car c'était bien ce qu'elle cherchait au final en provoquant son pouvoir. L'exécutrice avait voulu faire dans le spectaculaire, dans l'impossible à dissimuler. Elle avait échoué. Camille l'espérait.

Quoiqu'il en soit, malgré la transformation évidente, Camille n'avait voulu qu'une chose depuis le début : tirer son épingle du jeu et, de préférence, sans que cette foutue prophétie ne se réalise. Mais que c'était difficile ! Non seulement parce qu'elle ne pouvait compter que sur elle-même, malgré les belles paroles de la Matriarche, mais aussi parce que le Yāasht, lui infligeait une souffrance à peine supportable dès qu'elle s'éloignait de Dresden. Pourtant, il fallait qu'elle s'éloigne. Il le fallait. Il fallait qu'elle soit forte, et son don l'y aiderait. Elle se leva avec détermination et se dirigea vers la fenêtre.

C'est à ce moment-là qu'elle entendit la voix d'Indra s'adresser à elle. Son souffle malfaisant qui caressait son esprit avec la bienveillance du traître : « Ils arrivent, Camille ! Les Dévoreurs sont là ! Ils viennent pour toi ! La prophétie va s'accomplir ! Ils vont tous mourir par ta faute... À moins... à moins que tu ne te rendes. À moins que tu ne sortes d'ici et rejoigne les Dévoreurs. Ils se fichent de Mathilde ou des autres. Ils sont là pour toi. Uniquement pour toi. Ils te veulent à leurs côtés. »

Puis l'alarme retentit, et Camille sut que même si Indra tentait encore de la manipuler, il y avait fort à parier que les Dévoreurs venaient bien pour elle. Ils venaient venger la mort de Lara, de Jeanne, et des autres. Si Camille se rendait, ou si elle les affrontait, cela permettrait au moins aux autres de fuir sans dommage. Elle voulait y croire. Elle voulait tellement y croire.

***

Consciente que cette alarme indiquait d'âpres combats à venir, Mathilde fit un signe de tête vers Sola et Alya qui n'attendaient que ça pour se jeter sur Indra et la tuer. Sa tête roula sur le sol sans que quiconque ne réagisse. Tous savaient très bien que la télépathe devait mourir. Le dispositif de Zhihao n'aurait jamais été suffisant pour retenir la puissance de son don. La preuve en était qu'elle avait réussi à s'en servir, juste avant que les Dévoreurs ne débarquent. Tous pensaient d'ailleurs qu'elle leur avait permis d'arriver jusqu'ici.

Alors que Lanh s'occupaient de démembrer Indra à la seule force de ses mains, Lucie et Sola mettait en fonction l'incinérateur qui se dissimulait derrière la fameuse petite trappe que Camille avait confondue avec un compartiment de morgue. Il fallait faire vite. Rien ne devait subsister de la Znūntāk.

— Tu as beaucoup de patients dans la clinique, Zhihao ? demanda Mathilde.

— Non. J'ai fait transférer les derniers dans l'annexe à l'autre bout de la ville, avant que nous nous installions tous ici. Le personnel a suivi les patients. Il n'y a plus que nous. Je me doutais que quelque chose comme ça pourrait arriver... cependant pas à ce niveau.

— Nous ne sommes pas assez nombreux pour les combattre, dit Dresden. Nous n'arriverons pas à tous les éliminer.

— Pas sans Vahan et Demetrios, dit Zhihao sur un ton lugubre.

— Ils sont trop loin pour arriver à temps ! s'exclama Mathilde. Il va falloir fuir. Désolée, Zhihao. Je ne pensais pas que nous en arriverions là. Tu vas devoir abandonner la clinique.

De notre sangWo Geschichten leben. Entdecke jetzt