84 / Contrôle de routine

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Depuis sa position, Aren avait une vue parfaite sur le hall d'entrée de l'aéroport, et surtout sur Wira et Mathilde qui approchaient du poste de contrôle. Lui, était resté en arrière, par prudence. Dès la descente sur le tarmac, les Znūntāks avaient senti que quelque chose n'allait pas. Il régnait une atmosphère étrange sur l'endroit. Une effervescence habituelle, mais teintée de quelque chose d'autre. Comme si le spectacle en cours dissimulait des drames à venir en surjouant la comédie et l'euphorie.

Pour éviter de se faire piéger, les Znūntāks avaient pour habitude de voyager en ordre dispersé, et atterrissaient dans des villes différentes. Cette fois-là ne dérogeait pas à la règle. Ainsi Zhihao étaient arrivés à bon port au Caire avec Sola et Lucie. Dejen et Alya fermeraient le ban à Sharm el-Sheikh. Là où il était convenu de louer le bateau nécessaire pour la fin de leur voyage.

Son jet privé étant resté à Singapour, Mathilde était partie avec Aren et Wira sur un vol régulier vers Marsa Alam, l'aéroport le plus proche de leur vraie destination. Sauf qu'il y avait un cheveu dans la soupe, une souris dans les céréales, un cafard dans l'évier... Le contrôle à l'atterrissage était lent, trop minutieux, comme si la sécurité cherchait quelque chose de précis. Ou quelqu'un... Et ça n'était pas bon signe.

L'attention de Aren fut bientôt attirée par un groupe d'agents de sécurité. Positionné dans les ombres d'un couloir secondaire, ils scrutaient sévèrement les nouveaux arrivants. Un couple mal assorti s'en détacha et approcha de la file où patientaient Mathilde et Wira. L'homme et la femme étaient brun, peau mate, de taille moyenne, mais si leurs uniformes, - noir, multipoches, rangers et matraque télescopique -, permettaient une identification immédiate, leurs postures démontraient qu'ils n'avaient pas le même degré d'attention activé. Lui, épaules en arrière, menton haut, semblait sûr de lui et de son pouvoir sur les autres. Elle, corps mince et nerveux, semblait aux aguets, sur ses gardes.

Les craintes d'Aren se révélèrent juste, lorsqu'ils s'intéressèrent à Mathilde. Elle semblait décontractée et souriait. Il fallait la connaître pour comprendre qu'en réalité, elle était sur la défensive, prête à agir si nécessaire. Wira, qui se tenait juste derrière elle, dépliait et repliait ses poings qu'il tenait dans son dos. Il était attentif. Mais pas à ce qui se disait devant lui. Plutôt à d'autres voix. D'autres voix qu'il était le seul à entendre et à comprendre.

Le premier rat apparut quand la sécurité mit Mathilde à l'écart pour, soi-disant, un simple contrôle de bagage. Aussitôt, la Znūntāk sortit son meilleur jeu d'actrice et hurla, en s'accrochant à l'agent de sécurité mâle, comme une princesse en détresse. Ce qui fit fleurir un sourire goguenard sur les lèvres de ce dernier. Sa partenaire, elle, paraissait au bord de la crise de nerf ou de l'évanouissement. Le rongeur de la taille d'un chiot, fut bientôt suivi par plusieurs groupes de ses congénères, aussi bien nourris que lui, qui semèrent aussitôt la panique dans le hall. La plupart des gens couraient dans toutes les directions comme des poulets sans tête et criait autant que possible. Ce qui, vue l'architecture du lieu, créait une onde sonore bien plus éprouvante que l'apparition des rats.

Dans la panique générale, plus personne ne faisait attention à Mathilde et aux deux agents de sécurité qui, après avoir tenté de l'emmener de force vers une porte latérale, s'étaient effondrés de douleur sur le sol. La Matriarche, comprenant que son identité avait été révélée à ses ennemis, ne prit même pas la peine de se fondre dans la foule qui s'échappait du hall vers l'extérieur. Elle neutralisa le reste de ses adversaires avant de disparaitre par un couloir de service. Aren se contenta de faire s'effondrer ici et là quelques étagères et mobilier pour ajouter au chaos ambiant. À aucun moment, Wira ne s'était approché de Mathilde. Il était important qu'il ne soit pas identifié. Il avait donc fui comme les autres, feignant une frayeur égale à celle de ses voisins.

De notre sangWhere stories live. Discover now