86 / Telal

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L'avantage qu'avait le don d'Aren sur la mécanique traditionnelle, c'était qu'il pouvait, s'il le souhaitait, faire avancer un objet lourd et lent à la vitesse d'une Lamborghini. Et c'était exactement ce qu'il avait l'intention de faire.

— Tout le monde s'accroche ! hurla-t-il d'une voix qui ne souffrait aucune contradiction, en se penchant sur le volant pour faire croire qu'il conduisait.

Sauf qu'il n'avait pas redémarrer le moteur. Sauf qu'il ne prenait pas la peine de sortir le cadavre du chauffeur (il l'avait juste repoussé contre la vitre). Sauf qu'il ne s'asseyait même pas pour faire mine d'atteindre les pédales d'accélérateur et de frein.

Malgré tous ces éléments qui ne collaient pas avec l'action en cours, tout le monde s'exécuta aussitôt, comme électrisé par cet inconnu qui dégageait une autorité naturelle incontestable. Ce qui facilita l'avancée de Wira qui rejoignit Aren en quelques bonds et s'accrocha à lui quand le bus commença à prendre de la vitesse.

— Wira. Accroche-toi plutôt au siège, s'il te plaît. Tu me déconcentres, dit alors Aren avec un ton amusé.

— Je te déconcen... répéta Wira avant d'obéir, étonné.

Le jeune homme était de loin, le moins apte à comprendre ce que suggérait cette simple phrase. Il était si étranger à l'idée d'être le centre d'une quelconque attraction ! Surtout venant d'un Znūntāk aussi puissant et sage que le grand Aren Heraclius Tiberius ! Sa relation avec Alya ne comptait pas, étant donné qu'il n'avait jamais eu son mot à dire. En réalité, la jeune femme s'était imposée à lui sur le prétexte que « se mettre ensemble leur ferait du bien à tous les deux », et il s'était laissé faire, trouvant à Alya d'innombrables points communs avec un certain nombre d'insectes envahissants, mais également attachants.

En cet instant fatidique où ils étaient pris en chasse par un groupe d'hommes surarmés, Wira, incrédule, s'éloigna de Aren pour se coller contre le dossier d'un siège encore disponible, tout en cherchant à comprendre ce qu'avait voulu dire son aîné.

— Respire Wira. Ça va aller.

— Ça va aller ! Ça va aller ! C'est vite dit ! répliqua la femme qui se tenait juste derrière l'intéressé. Celle-là même qui houspillait le chauffeur au sujet de la clim. Hijab bleu roi sur la tête, et abaya d'un ton plus clair, elle devait avoir dans les cinquante ans. Peut-être un peu plus.

— Vous avez vu ce qui nous poursuit ! continua-t-elle, sans s'effrayer du fait que le bus semblait avancer tout seul, ni émettre la moindre hypothèse quant à ce phénomène.

D'ailleurs, personne ne disait rien à ce propos. Manifestement, quand on avait des tueurs armés jusqu'aux dents aux trousses, on ne remettait pas en question la légitimité d'un bus magique. En tout cas, pas sur le moment.

— Ils sont toujours derrière ? demanda Aren pour toute réponse.

— Oui. Loin, mais oui... il n'y a qu'une foutue route et rien pour demander de l'aide ou se cacher dans ce putain de désert, répondit un jeune homme qui s'était approché avec précaution du fond du bus. Leurs poursuivants avaient quand même des armes lourdes sur leurs véhicules. Ils n'étaient pas à l'abri de se faire canarder avec l'une d'elle.

— Wira ? Tu n'aurais pas une idée, des fois ? demanda Aren qui, quand il avait pris les choses en main, avait simplement espéré décourager leurs poursuivants.

— Une idée ? répéta le Znūntāk, émergeant de ses propres réflexions. Une idée ? J'en ai même plusieurs.

— Efficaces ?

— Tu serais surpris de ce que peuvent accomplir certains ani...

Aren le coupa en provoquant une fausse toux. Il n'était pas question que qui que ce soit dans le bus fasse la relation entre Wira et les rats apparus dans l'aéroport. Inutile de leur dire qu'ils avaient le joueur de Hamelin parmi eux. Ça ne ferait qu'ajouter à la confusion.

De notre sangOnde histórias criam vida. Descubra agora