64 / La pire des mauvaises idées

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Camille ramassa la canette qu'un touriste indélicat avait jeté là, pour la mettre dans une poubelle. Elle sentit l'approbation de son élément. Et autre chose. Un effleurement. Un souffle léger dans son esprit. Camille braqua son regard sur Indra avec férocité. Elle l'avait prévenue. Pas de ça avec elle.

— Que cherches-tu à savoir, Indra ?

— Rien, Camille. Je m'assurais juste que tu allais bien.

— C'est ça ! Et mon cul, c'est du poulet ! répliqua aussitôt Camille qui sentait encore la présence d'Indra en elle. Sors de là tout de suite !

— Ou sinon quoi, Camille ? Que feras-tu ? dit Indra en laissant apparaître petit à petit, toutes les personnes qu'elle tenait à sa merci.

Hommes, femmes, enfants surgissaient de toute part, le regard absent, fixé sur Camille. Ils l'encerclaient. La menace était réelle. Mais laquelle ? Indra comptait-elle la faire lyncher par la foule ? Que cherchait-elle à faire ? Une chose était sûre, Camille allait devoir jouer finement. Elle commença par chasser Indra de sa tête, avec une violente poussée de son propre esprit vers l'intruse.

— Qu'est-ce que tu veux, Indra ?

— Rien. Enfin presque rien, Camille.

La jeune femme sentit une nouvelle intrusion de l'exécutrice. Plus violente.

— Ça suffit ! rugit Camille en invoquant son élément pour l'aider à se protéger.

***

En cet instant, face à Indra, Camille ignorait trop de choses pour comprendre et anticiper les coups de son adversaire. Elle ignorait par exemple que l'exécutrice avait des objectifs bien différents de ceux de Mathilde de Saint Roc, qu'elle n'avait jamais eu l'intention de l'aider, que tout ce qu'elle avait fait ne suivait qu'un but : la piéger. Elle ne réalisait donc pas que ce qu'elle s'apprêtait à faire, servait les plans de ses ennemis, car oui, ils étaient plusieurs et en grand nombre... Et l'exécutrice et le Commandeur des Dévoreurs étaient à leur tête.

Depuis plus d'un an, ces deux êtres à la soif de pouvoir incommensurable, étaient alliés pour le pire. En réalité, l'un et l'autre jouait ses propres cartes et suivait ses propres objectifs. Chacun pensant utiliser l'autre à ses propres fins. Chacun pensant vaincre l'autre, au bout du compte.

Indra était une Znūntāk. Oui. C'était vrai. Elle aurait dû protéger les siens, protéger le secret de leur existence. Elle aurait aussi dû craindre les Dévoreurs et les combattre. Mais Indra voulait diriger la communauté Znūntāk à la place de Mathilde de Saint Roc. Pour ça, elle était prête à sacrifier plusieurs des siens, notamment les autres exécuteurs. Elle était prête à révéler le secret. Elle était prête à enflammer le monde pour asseoir sa vision où elle serait toute puissante. Mais l'arrivée de Camille avait chamboulé ses plans patiemment mis en place depuis presque deux ans. Et l'apparition de son don, si puissant, si menaçant, changeait la donne et mettait en péril ses espoirs de conquête. Elle ne pouvait le tolérer.

Le Commandeur, lui, voulait saper la base de la communauté Znūntāk et trouver la source de Nout pour se l'approprier et obtenir le plus grand pouvoir jamais détenu par un Commandeur de l'Ordre. Il voulait être celui qui aurait débuté la purge. Celui qui aurait retrouvé le chemin du temple. Il voulait balayer les doutes et retrouver la ferveur qui s'étiolait depuis quelques années parmi les séthiens. Il voulait régner sur les siens et établir de nouveaux objectifs, plus directs, plus tranchants, pour éradiquer l'ennemi.

Huit mois plus tôt, il n'avait pas parlé de Dorville. Il n'avait pas pensé cela nécessaire. Elle n'était alors qu'une fille un peu étrange que l'Oracle avait désignée pour les rejoindre. Puis, quand les événements s'étaient emballés, et que le commandeur avait fait le lien avec les Znūntāks, Indra l'avait apaisé en le rassurant sur l'avenir de cette fille hors norme, qu'elle poussait Mathilde à détester.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant