27 / Ordre et protection rapprochée

82 19 0
                                    

Passé le coin de la rue, Dresden s'écarta de Camille comme s'il avait reçu un choc électrique. Il se tenait à un bon mètre d'elle et la fixait avec un air inquiet mêlé de colère.

— Ça va ? Il ne t'a rien fait, cet enfoiré ? demanda-t-il aussitôt avec une telle sollicitude dans la voix que Camille sentit son cœur devenir métal liquide.

Pourtant, elle s'arma pour le combat. Parce qu'il allait y avoir combat. Fatalement. Il le fallait. Mais allait-elle lui révéler qu'elle était une fille comme elle l'avait décidé la veille ? Pas sûr. Pas encore. La torture qu'il lui infligeait par sa seule présence, et par les rares contacts qu'ils se permettait, était un délice qu'elle se refusait encore à abandonner. Contradiction, contradiction, quand tu nous tiens.

— Non. Et je sais me défendre, dit-elle avec un ton plus sec qu'elle n'aurait voulu, en touchant inconsciemment le couteau dans sa poche de veste.

— Sans doute, mais eux, savent se battre.

— Comment tu sais ça ? Tu les connais ? demanda-t-elle d'un ton intrigué.

— Non. Mais tu as vu leur bras ? Et leur attitude ? On dirait des soldats. C'est qui ces types, et ils te veulent quoi ?

— Ça ne vous regarde pas, M. Asterios.

— Ah ! Ça n'est plus Dres...

— C'était pour donner le change. Comme ton bras.

— Sauf que moi, je ne donnais pas le change.

— Dis celui qui s'est écarté le premier.

— Je me suis écarté parce que te toucher est trop... trop... C'est tout. Et comme je ne veux pas te forcer à quoi que ce soit... je me suis écarté. Tu sais de quoi je parle, l'étudiant.

« Ah ! Oui ! C'est vrai ! La destinée... Tout ça, tout ça... », pensa Camille aussitôt, préférant éviter de poursuivre sur ce terrain mouvant, parce que, oui, bordel, elle savait de quoi il parlait justement...

— Tu serais bien le premier à ne pas vouloir me forcer à faire quelque chose que je ne veux pas faire. Bref ! Merci. Je vais en cours maintenant.

— Je t'accompagne.

— Non. C'est inutile. Je pense qu'il va me laisser tranquille.

— Ça, ça m'étonnerait. Il avait la tête du type têtu. T'as pas une copine qui pourrait te tenir compagnie ? Celle qui te collait l'autre jour... Moi, j'ai d'autres trucs à faire.

— Comme quoi ? Tabasser de pauvres types dans des ruelles ? répondit-elle du tac-au-tac par pure provocation.

— Ce genre-là, ouais, répondit-il sans sourire. Peut-être même bien ton pote, là. Le campeur.

— Tu ne touches pas à Antoine, s'entendit-elle dire vivement, ce qui ne manqua pas de l'étonner.

Allons bon ?! Qu'est-ce qui lui prenait ? Antoine ne l'intéressait pas. Elle en était parfaitement convaincue. Cependant, même s'il l'avait mis dans une position délicate, elle ne souhaitait pas lui faire de mal. En tout cas, pas volontairement.

— Pourquoi ? T'es amoureux ? demanda Dresden sombrement, mais avec une pointe d'espoir dans la voix. C'est pas très clair tout ça ! Et puis, t'as pas déjà une copine ?

— Laisse tomber ! Fais ce que tu veux ! lança Camille qui, finalement, n'aurait pas été contre un passage à tabac de Dumoulin par son faux « petit-ami ». Ça l'aurait peut-être calmé... et les séthiens auraient peut-être lâché l'affaire. Mouais, l'espoir fait vivre...

Camille ponctua sa phrase d'un haussement d'épaules, laissant Dresden sur sa faim. Ils étaient presque arrivés à la fac. Elle avisa les troupeaux d'étudiants qui migraient vers la même direction. Elle allait se mêler à eux et devenir invisible, comme à son habitude. Et le premier qui osait la coller de trop prêt, saignerait.

De notre sangWhere stories live. Discover now