96 / Ne rien comprendre

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— Camille ! s'exclama Dresden en se redressant en sueur.

— Du calme, du calme, Asterios. Tu dois rester allonger...

Zhihao et Kaspar saisirent le Znūntāk pour le remettre correctement sur la table d'examen. Il n'opposa aucune résistance et ne broncha même pas quand on lui réajusta la perfusion qu'il avait au bras.

— Ça ne va pas du tout, dit Zhihao. Le sérum ne fonctionne pas comme il le devrait.

— Pourtant, c'est bien ce que j'ai injecté à Sola à Paris. Ça, et le sang humain, aurait dû les remettre sur pieds.

— Sauf que ça n'est pas le cas, et pire encore, leur état semble se dégrader. Quelque chose ne colle pas.

— Est-ce que les Dévoreurs auraient changé la formule ? Mais dans ce cas comment ont-ils su que j'avais trouvé une parade à la précédente ?

— Indra, lâcha laconiquement Zhihao en embrassant la pièce d'un regard inquiet. De toute façon, ça ne change rien. Ils n'ont rien changé. J'ai vérifié. Ton antidote devrait fonctionner. Il y a autre chose !

Dans la salle, aménagée pour toute sortes de soins, se trouvaient plusieurs lits dont trois étaient occupés par Mathilde, Dresden et Alya. Tous les trois avaient maintenant les mêmes symptômes : fièvre, délires, rougeurs, affaiblissement général et ralentissement du cœur. Ils étaient en train de mourir à petit feu. Et vu les crispations qui parcouraient leur corps de temps à autre, ça ne se faisait pas sans douleur.

Zhihao serra le poing et frappa la table d'examen la plus proche avec fureur, y laissant une empreinte visible. Cette colère ne lui ressemblait pas, mais cette impuissance non plus. Ça le rongeait. C'était la première fois que les Znūntāks se trouvaient face à une menace qui les dépassaient. C'était aussi la première fois qu'ils se trouvaient autant à la merci des Dévoreurs. Quelque chose était en train d'arriver qu'il ne pouvait concevoir. Était-la fin de leur espèce ? L'ennemi allait-il finalement réussir à les vaincre ? Zhihao ne pouvait s'y résigner. Il retourna à sa table de travail près de la porte principale de la pièce, là où il avait installé son laboratoire. Il devait trouver une solution. Il y en avait forcément une !

***

Médjès descendit de sa monture sous l'œil étonné des touristes. Sa tenue, son cheval et le faucon qui se tenait sur son épaule, détonnaient. Dans ces ruines balayées par le vent et bruissante du cliquetis des appareils photo, il apparaissait comme un élément du passé qui aurait transité par on ne sait quelle porte temporelle pour venir éblouir de sa présence la visite de ces étrangers de passage.

Le nomade se dit qu'il était bien étrange que, justement, depuis peu, les quelques colonnes et murs ravagés par le temps qui abritaient l'entrée secrète du domaine, soient inclus dans le circuit des tour-operators du coin. Il savait que le lac, source du Nil bleu, possédait un pouvoir d'attraction non négligeable, et que tout ce qui pouvait être exploité, l'était. Cependant, étant donné que ces ruines n'avaient rien de remarquables, ni de particulièrement fascinants, la coïncidence l'inquiétait quelque peu, et surtout l'ennuyait au plus haut point. Comment aller et venir en toute sérénité dans cette situation ? Fallait-il attendre que le ballet des autocars cesse ? Il n'avait pas le temps d'attendre la nuit. Aren avait besoin de soin urgent.

Il en était là de ses réflexions quand un couple s'approcha de lui timidement, appareil en main et sourire radieux sur le visage. En quelques mots, ils lui demandèrent poliment s'il voulait bien poser avec eux. Il allait les rembarrer vertement, quand il réalisa qu'il tenait là un moyen de faire diversion et de permettre à Wira et Aren d'utiliser l'entrée secrète en toute discrétion. Il espérait que ses compagnons allaient comprendre quand il accepta la proposition, déclenchant par la même une avalanche de sollicitations. « Putain de tourisme de masse ! » pensa-t-il en fixant durement les objectifs des appareils.

De notre sangWhere stories live. Discover now