42 / Mourir

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La Matriarche avait été claire. Si Dresden ne donnait pas l'éternité à Camille, la jeune fille devrait mourir. Il était inenvisageable de la laisser libre et vivante. Elle en savait trop maintenant et surtout, les Dévoreurs la voulaient. Que ces derniers aient prévu de la tuer après l'avoir longuement faite souffrir comme le suspectait Dresden, ou qu'ils veuillent faire d'elle leur prochain oracle, ou quoi que ce soit d'autre dans leur Ordre, comme le pensait fermement Mathilde, les Znūntāks ne pouvaient le permettre.

Mais tenter la transformation, c'était aussi prendre un risque. Parfois la tentative échouait et se soldait pas la mort de celui ou celle que l'on voulait garder près de soi. Voilà pourquoi, Dresden hésitait. Bien sûr, il ne voulait que ça : lui donner l'éternité. Il voulait l'avoir auprès de lui pour toujours. Mais si elle disparaissait de sa vie pour une raison ou une autre, il en mourrait, il en était convaincu. Il ne pourrait pas survivre à sa disparition. Il n'était pas aussi fort qu'Aren ou Mathilde. Le conflit en lui était intense.

Mais avait-il le choix ? Non. En réalité, il ne l'avait plus. Les Dévoreurs approchaient, et il avait déjà défié Mathilde une fois. Il devait tenter sa chance, malgré les risques, et malgré l'opposition de la jeune femme. Dresden n'avait plus le temps de la convaincre. Mais peu importait ce qu'elle penserait de ce qu'il allait faire. Peu importait ce qu'elle croyait vouloir ou ne pas vouloir. Il préférait l'avoir à ses côtés à jamais, même furieuse contre lui, même si elle le détestait, même si elle ne devenait jamais sienne. Au moins serait-elle en vie. À portée de main. À portée de peau. Il préférait souffrir l'éternité près d'elle, que devenir fou en son absence.

Plusieurs hommes entrèrent dans la pièce, dont les deux armoires à glace que Camille avait vus dans la ruelle lors de leur première rencontre. L'un d'eux aida la jeune femme à se relever sans violence. Elle s'était laissée faire sans trop comprendre. D'autant plus que son attention avait immédiatement été attirée par ce que faisait les autres : il déversait le contenu de jerricans sur les tentures et autres parties inflammables. Ça commençait à sérieusement sentir l'essence.

Dresden, lui, était allé chercher un grand verre opaque, posé sur le comptoir du bar. Il en fixa le contenu une demi-seconde, comme hésitant encore. Puis, il le présenta à la jeune femme.

— Bois ça.

— Pas question. Je ne bois jamais rien que je n'ai vu être versé dans mon verre, répliqua Camille, encore fasciné par ce que faisaient les hommes de Dresden.

Elle n'avait pas encore abandonné l'option fuite rapide, bien qu'elle n'ait aucune fringue pour se protéger du froid, qu'elle soit pieds nus et environnée de vampires en forme et attentifs. Peu importait. Elle pouvait réussir. Elle en était convaincue. Il suffisait qu'elle s'écarte du colosse ; qu'elle attrape cette veste que quelqu'un avait abandonné sur le dossier de cette chaise à gauche et qui n'avait pas encore été atteinte par les jets d'essence ; au passage, elle prendrait ce briquet qui n'attendait qu'elle ; qu'elle pique un sprint jusqu'au bar et qu'elle enflamme un truc pour créer une barrière entre elle et ses poursuivants ; qu'elle sorte... Donc pas question d'être droguée d'une quelconque manière. Elle ne boirait pas ce verre qu'elle trouvait suspect, qu'elle savait suspect.

— Bois ça immédiatement.

— Sinon quoi ? Vous allez me tuer ? Sola m'a dit qu'elle ne laisserait jamais personne me toucher... lança-t-elle en se libérant de l'emprise du colosse. Step one, ok.

— En effet. Personne ne te veut de mal.

— Mais il faut que je boive un truc suspect, dans une boite vide et sinistre, que vous allez cramer vraisemblablement, alors que quelqu'un arrive !? Ça va pas la tête ! s'exclama-t-elle en faisant un pas de côté dans la direction de la veste.

De notre sangWhere stories live. Discover now