26 / Accepter l'ombre en soi

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En arrivant à son étage, Camille réalisa qu'elle s'attendait à voir Dresden Asterios. Elle regretta son absence. Elle regretta ses bras. Voilà encore une chose qui lui parut inattendue, mais qu'elle relégua en arrière-plan. Elle avait des problèmes plus urgents à régler à présent. Sa vie était en danger.

Elle entra dans sa chambre, et consciente de la misérable serrure qui en fermait la porte, elle fit glisser sa table devant le battant. Puis, elle alla prendre un sac de sport qui se trouvait sous son lit et qu'elle n'avait pas ouvert depuis sept mois. Heureusement pour elle, elle ne s'en était pas débarrassé. En partie, à cause de Roberto, qui cherchait sans doute encore, sans savoir qui chercher. C'était un rancunier, Roberto. Une tête dure qui ne renoncerait pas à sa vengeance, même si elle devait prendre mille ans. Le sac sous le lit, c'était donc un vieux réflexe de survie. On ne savait jamais de quoi l'avenir était fait. La preuve.

Camille ouvrit le sac et en sortit ce qu'il contenait. Une batte de base-ball d'une telle propreté que n'importe quel flic aurait trouvé ça suspect. Deux couteaux de l'armée. Le premier était un couteau de campagne, dont la lame soigneusement pliée permettait un transport efficace et discret. L'autre était un couteau de combat tactique. Une lame à double tranchant de 8 cm, dont le petit manche en T permettait une prise en main stable qu'elle avait déjà su apprécier, puisqu'il lui avait sauvé la vie.

La batte avait été achetée sans difficulté dans un magasin de sport. Les deux couteaux lui avaient été donnés par un vieux militaire à la retraite qui vivait dans la cité. Un vieux qu'elle avait aidé et qui l'aimait bien. Un vieux, dont le fils était mort dans un désert lointain pour une cause qu'il ne comprenait pas. Un vieux qui n'en avait plus rien à foutre, mais qui voulait l'aider, elle, à ne pas mourir.

Elle sortit les derniers objets du sac, un bonnet noir en maille et un masque anti-pollution noir. Il portait encore les marques de son unique et dernier combat. Celui pour lequel Roberto risquait un jour de lui tomber dessus. Peu importait maintenant.

Puis, elle fit ce qu'elle n'avait jamais cessé de faire au coucher et au lever : une cinquantaine de pompes.

Camille se réveilla en sueur et en sursaut. Les cauchemars étaient de retour, bien sûr. Mais ils n'avaient pas été seuls. Ils s'étaient mêlés d'apparitions subtiles et extrêmement sensuelles de Dresden. Pourquoi ne pensait-elle qu'à coucher avec lui ! Sans déconner ! Elle avait vraiment une case en moins ! Elle s'obligea à calmer sa respiration avant de se lever et de faire ses pompes. Ensuite, elle fila sous la douche.

Elle prit un soin particulier en s'habillant. Le push dagger dans son fin étui, fut glissé dans sa chaussette, sur le côté de sa botte. Le couteau pliant rejoignit sa poche de veste. Le masque et le bonnet allèrent se glisser dans la poche avant de son sac à dos de cours. Elle était prête. Elle commencerait son entraînement d'auto-défense dès ce midi. Lara ne rentrerait que dans la journée. Elle serait donc seule. Idéal. Personne ne viendrait l'emmerder dans le parc. Il y avait plein de gens qui faisaient des mouvements d'art martiaux dans le vide. Les siens seraient juste un peu plus agressifs...

Camille descendit les marches vers le rez-de-chaussée de la résidence avec célérité. Elle prit conscience que la présence des couteaux lui apportait une sensation de sécurité qu'elle n'avait pas ressenti depuis qu'elle était à Paris. Quand elle était arrivée ici, elle avait voulu briser le lien avec son passé, être une nouvelle Camille, effacer dans son âme ce qui lui avait laissé des cicatrices dans sa chair. Elle avait enterré dans ce fichu sac sous son lit, tout ce qui pouvait lui rappeler cette ancienne Camille. Elle aurait voulu l'oublier. Peine perdue, finalement. Il semblerait qu'elle attire les emmerdes, même quand elle n'envisageait rien de spécial. C'était le comble.

De notre sangWhere stories live. Discover now