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Mercredi 23 octobre 2019

Mon rendez-vous avec Alan s'est bien passé. Je ne peux pas arrêter mon traitement comme ça, d'un seul coup, mais il a accepté qu'on commence à diminuer les doses. Il m'avait déjà dit qu'on devrait y aller doucement, mais je ne pensais pas à ce point-là. Il m'a expliqué qu'avec des médicaments comme les miens, il y avait une dépendance et qui dit dépendance, dit sevrage. C'est pour ça qu'on doit réduire par paliers, pour ne pas que je ressente de manque ou que j'ai trop d'effets secondaires.

Est-ce que tu te rends compte qu'ils m'ont rendu dépendant à des médicaments dont je ne connais même pas le nom, car c'est maman qui les garde, parce que tout le monde avait peur que je me suicide avec ? Quand je me suis fait tatouer, je me rappelle que papa avait parlé de drogue. Il m'avait demandé si c'était la prochaine étape, il avait peur que je devienne un toxicomane. Je pourrais presque en rire de haine. Ils ont fait de moi un drogué et maintenant j'ai besoin d'être sevré. Je me sens tellement en colère que je crois que j'ai envie d'hurler ou de taper dans quelque chose. Tout, n'importe quoi.

Je serais capable de me mettre à crier tellement fort, là, tout de suite, que même papa ne réussirait pas à me forcer à avaler ces foutus pilules. Mais si je faisais ça, je serais malade. Vraiment. Physiquement. Mon corps serait en manque et Alan m'a fait comprendre que c'est quelque chose de très dur à vivre.

Je suis vraiment vraiment vraiment énervé, mais je ne sais pas contre qui je dois l'être réellement. S'ils m'ont donné ces médicaments, c'est qu'ils ont jugé que j'en avais besoin. Parfois j'oublie que pendant plusieurs mois, je n'ai rien ressenti, que je n'avais plus aucunes émotions, que je ne parlais plus. J'ai conscience que tout ça n'était pas normal. Je me rappelle de la discussion que j'avais surprise entre papa et maman, quand papa avait dit que j'étais un zombie. Il avait raison, à ce moment-là, c'est vraiment ce que j'étais. Un zombie qui errait dans la maison, sans parler. J'étais complètement vide.

Maintenant je ressens et même si ça me fait souvent mal, je ne veux pas perdre ça. Alan m'a promis que mes émotions ne disparaitront pas en diminuant, puis en arrêtant mon traitement. Il m'a dit que si elles avaient disparues, c'était à cause d'un blocage mental. Tout comme la parole. Que les médicaments étaient simplement là pour m'aider à contrôler toutes mes émotions qui sont revenues d'un seul coup, mais que ce n'était pas eux qui les avaient fait revenir. Il pense que je suis prêt maintenant, que je suis capable de gérer tout ce que je ressens, sans être obligé d'avaler quoi que ce soit. Il faut juste encore une fois, qu'on y aille doucement.

Ça me fait un peu peur, car si tous ces cachets m'aident à contrôler mes émotions, je ne sais pas ce que je vais ressentir quand je ne les prendrai plus. Mais ça m'est égal, je ne veux plus de ce traitement.

Je veux redevenir celui que j'étais avant, même si je sais que ce n'est pas possible sans toi, mais tu comprends ce que je veux dire. Je veux juste être moi, me retrouver. Je ne veux plus être un zombie, ou quelqu'un qui prend des antidépresseurs.

— Moi

Sans ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant