Page cent trente et une

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Mercredi 7 août 2019

Presque une semaine que je ne t'ai pas écrit.

Pardon pour la dernière fois. Je n'aurais jamais dû venir te voir, c'était trop dur. Ça m'a fait mal et ces derniers jours je n'avais plus envie de parler. Je n'avais plus envie d'exister.

Papa et maman s'inquiètent. Ils ne savent pas que j'ai fait le mur, je suis rentré quand je t'ai dit que je partais, ils dormaient encore. Je n'ai pas la force de faire semblant d'aller bien. Ils s'en rendent compte, ils ne comprennent pas pourquoi et ils se font du soucis. Je n'ai pas voulu assister à la réunion samedi et lundi après mon rendez-vous avec le Docteur Drews, ils ont passé un moment seuls avec lui. Papa était là aussi.

Je n'ai pas donné de nouvelles à Louis non plus et je n'ai répondu à aucun de ses messages.

Je sais que je n'ai pas le droit de faire ça, mais je n'arrive pas à aller mieux ou à faire semblant.

Je ne veux plus jamais revenir au cimetière. Avant je me sentais mal de ne pas venir te voir. J'avais le sentiment de te trahir, de t'abandonner, mais maintenant c'est encore pire, parce que j'ai réalisé que tu n'étais pas là-bas. Je sais que tu es mort, mais je pensais que, je ne sais pas. Même si c'était dur, je croyais que venir te voir me ferait du bien, me ferait me sentir un peu plus proche de toi. Comme si au cimetière tu existais encore un peu, un endroit où il reste un peu de toi. Mais ce n'est pas du tout ce que j'ai ressenti. Là-bas il reste de toi parce qu'il reste tes os enfermés dans un cercueil et c'est horrible. Affreux. J'ai eu envie de vomir et de mourir en le réalisant.

Sur le moment je voulais vraiment mourir Railey. Pour de vrai. Pas mourir, pour mourir vraiment, mais mourir pour que tout ce que je ressentais s'arrête. Je crois que je me sens un peu mort depuis.

Il ne faut vraiment pas que maman relise un jour ce journal, sinon je vais retourner à l'hôpital.

Quand je me réveille le matin, la première chose que je vois dans ma tête, c'est ta tombe. Ton nom gravé dessus, le ballon de basket et les inscriptions. La pierre qui était froide, je n'arrive pas à oublier la sensation que j'ai ressenti quand je l'ai touché.

Je sais que je dois aller mieux pour arrêter d'inquiéter tout le monde, mais je n'y arrive pas.

Je ne t'ai pas écrit pendant plusieurs jours, parce qu'à toi non plus je n'avais pas envie de te parler. Je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas en colère contre toi. Je t'en veux je crois, mais ça va passer, c'est promis. Ça passe toujours, je n'ai jamais réussi à t'en vouloir très longtemps. Même quand il nous arrivait de nous disputer, c'était rare et ça ne durait jamais plus d'une heure. Je m'en souviens maintenant.

Je sais que tu es mort et je pensais l'avoir accepté, mais je n'arrive pas à accepter de savoir que tu es dans cette tombe.

Ça va aller, je vais aller mieux, je te le promets. C'est juste que pour l'instant je ne sais pas comment faire.

Je ne sais pas si je reviendrai au cimetière un jour. Si je ne reviens pas, j'espère que tu ne m'en voudras pas et que tu me pardonneras. Moi j'ai encore un du mal à te pardonner d'être mort, mais tu n'as pas le droit de m'en vouloir pour ça.

Je ne sais pas où tu es, mais je sais que tu n'es pas là-bas et si tu n'es pas là-bas, je ne dois plus me sentir mal de ne pas venir te voir.

— Harry tout seul sans toi

Sans ToiWhere stories live. Discover now